Le monde perdu

Bandits à Orgosolo est un film de Vittorio de Seta, réalisateur principalement connu pour ses courts-métrages documentaires sur le milieu rural italien, auscultant son paysage, ses classes ouvrières et ses traditions. Moins connu que ses comparses de l'époque, celui-ci ne bénéficie pas d'une filmographie aussi étendue qu'un De Sica ou d'un Fellini mais il n'en demeure pas moins un metteur en scène intéressant avec quelques films marquants à découvrir, à commencer par ce "Banditi a Orgosolo" qui nous intéresse aujourd'hui.

L'histoire, simple et linéaire, nous montre la fuite d'un berger dans les montagnes sardes accompagné de son frère et de son troupeau après s'être vu accuser à tort du meurtre d'un carabinier.

Le film peut être vu comme un croisement du néo-réalisme italien avec les genres du western et du film noir. De néo-réaliste, il va conserver un goût pour les décors naturels ainsi qu'une envie de montrer la réalité sociale des personnages qu'il filme, bien que les métrages du genre, et de Rossellini notamment, soient habituellement tournés en milieu urbain alors que l'histoire se déroule ici en plein coeur de la Sardaigne.

Mais l'on peut très vite constater ici toute l'influence du cinéma américain dans le film de De Seta, avec cette scène d'ouverture digne d'un western où l'on va se retrouver dans le paysage aride des montagnes sarde avec ses voleurs fuyant les carabiniers. Il serait alors très facile d'imaginer l'action se dérouler sur le territoire américain en remplaçant simplement ces bandits par des cow-boys poursuivis par un marshal et ses adjoints.

Du film noir également, il va prendre ces scènes de nuit où nos protagonistes se cachent des autorités, fuyant un destin qui finira inexorablement par les rattraper, mettant de côté toute forme de morale à l'issue du film.

À travers sa fin d'une très grande noirceur, De Seta en profite également pour nous démontrer à quel point la situation de ces bergers sur l'échelle sociale ne tient qu'à un fil et comment ceux-ci peuvent basculer malgré eux de la légalité à un devenir de bandits. Cette fragilité est de plus renforcer par un certain rejet de la civilisation de la part des bergers eux-mêmes. En rejetant toute forme d'autorité de l'état et de solidarité "corporatiste", ils se placent alors en marge de la société pour adopter une sorte de loi du plus fort dans ces terres désolées.

Film à la croisée des genres et se plaçant en queue de comète du néo-réalisme, Bandits à Orgosolo est une oeuvre merveilleuse à découvrir avec toutefois un petit manque de rythme à certains passages, l'empêchant selon moi d'atteindre un statut de chef-d'œuvre, mais ce n'est pas passé très loin.

Disponible en Blu Ray chez Carlotta, accompagné de dix courts métrages de Vittorio De Seta.