Qu’il s’agisse d’un critique culinaire, de bidasses, de ripoux ou d’un inspecteur bavure intégrés à la police judiciaire, d’une boîte à bac ou d’une compagnie d’assurance, le cinéma de Claude Zidi a toujours mêlé comédie et étude sociale voire sociologique de personnages inscrits dans un corps de métier donné ; mieux, il se saisit de la comédie, dont il maîtrise fort bien l’écriture et l’exécution scénique, pour rendre compte des clichés inhérents audit corps de métier, pour jouer avec et s’en jouer jusqu’à les dépasser enfin.
Banzaï en constitue l’exemple type : le milieu de l’assurance de voyage, auquel appartient Coluche, est prolongé par ceux de l’opérateur touristique et de l’aviation, tous les deux incarnés par Isabelle Mairesse. Dans ce microcosme naissent une suite de quiproquos et de rebondissements : retour d’éclopés par dizaines, transfert de mineur depuis le Maghreb, dépannages et accident de dromadaire – contactez dans les deux cas Ahmed Baroudi, tout à la fois garagiste et vétérinaire ! – qui garantissent le dépaysement. L’opposition entre les fiancés sur le point de se marier et contraints au mensonge par peur de décevoir l’autre s’observe d’entrée de jeu par une différence de regard sur le monde : Michel est critique, désabusé, cynique, influencé par les milliers d’appels reçus chaque jour relatant malaria et variole ; Isabelle a la tête dans les nuages, écartée de tout jugement sur des cultures qu’elle ne connaît que par les aéroports et les hôtels. De ce contraste, Zidi tire une relation attachante parce que motivée par des caractères singuliers qui trouvent dans le lit l’occasion de s’unir – auprès d’une particulière ou dans un magasin de meubles. Surtout, l’avalanche de mensonges, qui gagne en puissance à mesure que diminue la distance qui sépare du mariage, ajoute au film une réflexion sur l’engagement et sur le sentiment de culpabilité : l’image de l’autre que l’on trompe ou que l’on pense tromper apparaît comme par enchantement, dans un cabaret où se réalise un tour de magie, par photos interposées, lors d’un mirage automobile.
La dynamique, qui est celle de Banzaï, est celle d’un retour de bâton, quoique les coups donnés et reçus en échange ne visent aucune portée moralisatrice – nous sommes ici plus proches de la tradition de la farce italienne. La répartie raciste se déplace depuis la France vers les pays concernés, et s’invalide systématiquement ; pensons au séjour à Harlem, territoire dont la violence urbaine n’est qu’illusoire, issue d’un tournage de cinéma que dérange Michel ou d’un malentendu vite réparé. Le thème de Vladimir Cosma se décline à toutes les sauces culturelles, alliant esprit d’aventure, sens du loufoque et liberté tonale qui manquent tant à la comédie populaire contemporaine.