Barbie vit à Barbieland, où les règles ne sont décidées non par son créateur capitaliste (Mattel) mais par l’imaginaire de ceux qui jouent avec leurs jouets. Mais, car il y a toujours un mais, l’objet se met un jour à penser (« je pense donc je suis », comme l’explicitait si bien notre cher Descartes) et renverse l’ordre établi. Désormais, tout est sujet à la critique et à l’interrogation : que représente le monde et les objets créés par Mattel ?
À travers une quête initiatique, Barbie tente de savoir quelle représentation elle est, et de qui. Un objet capitaliste à la solde du patriarcat, ou bien une figure de l’émancipation féminine ? Les deux thèses sont savamment exploitées par Greta Gerwig, qui utilise les personnages de son film pour ce qu’ils sont : des jouets sans vie qu’elle anime pour s’exprimer sur leur condition. Donner la parole et faire entendre des thèses féministes qui bien que caricaturales font du bien à entendre et à voir au cinéma (mention spéciale du pied de nez fait à une Cour suprême composée exclusivement de femmes).
Le film met pourtant en scène plusieurs registres à la fois (comique, dramatique) qui perdent le spectateur et rendent ses propos moins impactant. Le rythme y est saccadé, mais certains moments d’émotion et de réflexion de cet objet sur la voie de son indépendance font mouche. Ken, l’acolyte ou plutôt le faire-valoir de Barbie, est par ailleurs sujet aux mêmes questionnements. Il prend même une place démesurée pour devenir le porte-voix du patriarcat et obliger Barbie à redevenir un objet sans sens ni pouvoir.
Somme toute, le combat de l’héroïne de Greta Gerwig est pertinent à plein d’égards et tient en haleine tout le long du film. Margot Robbie qui l’incarne réussit brillamment à donner de l’humanité à un personnage qui n’en a normalement aucune. Nous vivons un agréable moment, en riant et en s’interrogeant à la fois devant ce film qui sert des discours stéréotypés tout en amorçant des réflexions plus profondes sans jamais aller jusqu’au bout.
La morale est aisément compréhensible, même s’il reste, à mon sens, un désagréable goût doux-amer en bouche quant à un film coproduit par Mattel et qui ne donne pas réellement une fiction à rebondissements à voir, mais plutôt une œuvre promotionnelle sur une effigie qui, grâce à sa réalisatrice, est savamment critiquée.