Critique de Bardelys le Magnifique par Blockhead
Un film longtemps disparu et redécouvert récemment. Une authentique rareté, réalisé par le grand King Vidor. Alors âgé de 19 ans, John Wayne y fait ses débuts au cinéma.
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le 30 juin 2021
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Lorsque King Vidor, le plus amerloque des cinéastes d'outre-atlantique, s'attaque à une histoire censée se dérouler en France, cela donne un film sur l'image qu'ont les américains de notre cher hexagone, à l'époque des mousquetaires. Ce qui nous rappelle l'un de ses précédents film, chef d'œuvre en ce qui le concerne, La Grande parade, partageant la même vedette masculine que Bardelys the Magnificient. Nous avons donc affaire ici à une image d'épinale absolument charmante de naïveté, où les incohérences historiques sont légion (on parle d'échafaud), les patronymes des personnages sont ridicules, les costumes sont carnavelesques au possible, les décors sentent bon le carton pâte et, pour ma plus grande jubilation, où l'image du frenchy séducteur est mise à l'honneur, incarné par un John Gilbert qui règle visiblement son pas sur celui, virvelotant et haut en couleurs, de Douglas Fairbanks.
La carriere de ce comedien, avortée par l'arrivée du parlant imminente ici (nous sommes en 1926) servira de terreau pour le personnage incarné par Jean Dujardin dans The Artist. Donc, pour vous situer le comédien, il joue ici, sans le savoir, l'un de ses derniers barouds d'honneur. Pour mon plus grand plaisir, il en fait des caisses. C'est la star et il compte bien à ce que le public en ait pour son argent. Il a conscience que les spectateurs viennent pour lui, King Vidor également, c'est donc un film totalement sacrifié à la gloire de cet acteur irradiant le cadre des ses coquetteries, cabrioles et autres cascades. Elles sont d'ailleurs impressionnantes, les courses poursuites à dos de canasson, filmées face aux bourrins avec la caméra embarquée, sont bluffantes. On retiendra notamment un cadrage génial, celui où Bardelys se tient à une corde pour "voler" d'un endroit à un autre. La caméra est fixée sur la même corde et filme donc en plongée John Gilbert, s'aggripant avec ses mains, qui regarde vers nous pour signifier que c'est bien lui qui risque sa vie, suspendu à plusieurs mètres de hauteur. Le résultat est sensationnel mais avec King Vidor aux commandes, est-ce une surprise ?
On retiendra d'autres plans, moins spectaculaires mais qui se révèlent symptomatiques des qualités de cinéastes du King. Lorsque Bardelys est sur une barque avec sa belle et qu'ils se dirigent sous des saules pleureurs, ce n'est pas tourné en studio avec une transparence. Nous sommes sur la barque avec eux et la caméra se fraye un chemin entre les branches qui tombent sur les personnages. On a ainsi l'impression d'être avec eux, au cœur de l'action, de faire un saut dans le temps et d'être embarqué sur le tournage.
Plus tard, lorsqu'un personnage éteint une bougie, la colorimétrie change et ne nous voici plus en noir & blanc mais en bleu & blanc et ce, dans le même plan. Ce sont des petits détails de réalisation qui confèrent tout son sel à ce film dont l'intrigue demeure cependant oubliable. Pas grave, la réalisation de King Vidor la transcende.
Je l'ai vu dans sa dernière version connue, avec des bobines manquantes. Ces moments sont résumés, avec des photos du tournage des scènes absentes, ce qui ne manque pas de conférer au film une aura mystérieuse, qui excite l'imagination, et nous donne envie d'être celui qui retrouvera ces bobines roupillant pour sûr dans un grenier quelque part sur le globe, sans que personne n'en sache rien. À moins que ce ne soit perdu à jamais et que l'on n'ait retrouvé que cette oeuvre amputée, telle la Venus de Milo, dernier vestige d'un film oublié qui mérite d'être redécouvert, au dela de sa côte de rareté, pour sa qualité seule de pur divertissement réussi.
Créée
le 25 août 2021
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