Mine de rien, Barking dogs never bite réussit un prodige. On se souvient qu’il y a quelques semaines, un marseillais des quartiers nord un peu fatigué (non, ce n’est pas un pléonasme, j’en connais des très vifs) avait, à la suite de la publication d’une vidéo légèrement malencontreuse, déchainé un torrent d’hystérie dépassant toute mesure, les plus fanatiques n’ayant pas hésité à réclamer la vie du fautif, parce qu’il avait, ne l’oublions pas, blessé un jeune chaton qui s’en était tiré avec deux pattes cassées.
(Oui, c’est un peu le problème avec les vindicatifs de la peine capitale: chacun ayant son tabou favori, on ne sait jamais où doit s’arrêter la liste de ceux qui méritent la guillotine. Bref.)
Ici, le film parvient à ne nous même pas faire détester un type qui est à l’origine de la mort de deux toutous tout doux (une indirectement, l’autre de manière ostentatoire) et du mal-être absolu de leurs maitresses respectives.

I wanna be your dog - https://www.youtube.com/watch?v=BJIqnXTqg8I

Le cinéma coréen étant un des plus passionnants de ces dernières années et Bong Joon-Ho un de ses plus brillants représentants, il n’était pas vain de se pencher sur le premier long-métrage du brillant réalisateur. Comme presque à chaque fois, Joon-Ho écrit son scénario et il n’est pas étonnant de voir dans cette rubrique de chiens écrasés un brin loufoque les prémices de ce qui fera la marque de fabrique du créateur du génial mémories of murder ou du somptueux mother.

Si le polar pré-cité était avant tout la chronique de l’évolution d’un pays entre deux époques, on trouve ici, même s’il s’agit des années 2000, le portrait d’une société un peu à côté de ses pompes. Témoins tous ces employés mal à l’aise dans leur travail. Soit ils sont en recherche maladroite de poste (l’anti-héros qui ne semble exceller que dans la passivité), soit ils s’en font virer (la jeune fille du syndic, la femme acariâtre dont la boîte ne supporte pas son état de santé prénatal) soit enfin, ils semblent résolus à tout faire sauf ce qui est sensé être leur mission: la vendeuse en boutique passe sont temps allongée ou en train de fumer des cigarettes sur le toit de l’immeuble, les membres du syndic procrastinent à qui mieux-mieux, le gardien d’immeuble plonge au sous-sol dès qu’il a deux secondes pour cuisiner les animaux trouvés dans la résidence et le président d’université semble avoir comme unique passion de ruiner la santé des postulants aux postes à pourvoir à coup d’alcools fort, de trains dans la tête et de jets de chiffons sur les murs.

Dog eat dog - https://www.youtube.com/watch?v=cY6pTgwJv38

La comédie elle-même prend un malin plaisir à brouiller ses propres codes. A l’image de son personnage principal plus détestable qu’attachant mais qui obtiendra au bout du compte ce que les autres souhaitaient pour lui, si méchanceté n’est pas punie, la bonté n’est pas plus récompensée. La trame du récit garde son arrière-goût doux-amer jusqu’à la dernière image, sans qu’un happy-end convenu ne vienne retourner l’affaire. Et cette sorte d’intégrité est à porter au crédit de son auteur.

diamonds dogs - https://www.youtube.com/watch?v=36lWAcY9IXE

Autour des péripéties un peu futiles de son histoire, le film brosse le portrait curieux d’un pays qui ne l’est pas moins. Un endroit et une époque en recherche de repères, où les jeunes filles capitalisent sur un accès de douce rage alcoolique pour coltiner avec elles le plus gros miroir de poche existant, où le fait de s’occuper d’une vieille dame esseulée vous fait récolter des radis, et un pays, surtout, où, de l’aveu même d’un de ses protagonistes, personne ne respecte aucune règle, que ce soit à l’intérieur d’une résidence ou à l’extérieur. Et le tout sans râler.
Les français et les italiens peuvent aller se rhabiller.

https://www.youtube.com/watch?v=6tlSx0jkuLM

(PS: que de galères pour trouver un titre ! J’ai même failli un «bichon dore et le vol de mort » mais ma conscience me l’a -poliment mais fermement- refusé)
guyness

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