Ce qui va suivre est un tract pour The Blue Max
Ce film a deux mérites essentiels : il est supérieur au terrible Flyboys et nous rappelle combien The Blue Max est une œuvre magnifique. A la limite, la critique pourrait s'arrêter là mais comme j'ai une faim de loup, je vais le bouffer.
J'ai longtemps repoussé le moment de tenter l'expérience. La faute à une bande annonce qui laissait entrevoir des vieux coucous numérisés aussi agiles que des X-Wings et, à un Von Richthofen adorant voler pour conquérir sa part de liberté et, summum du mauvais goût, à cette amourette avec une infirmière, fût-elle une Lannister. Franchement, ça sentait l'épic fail mode Pearl Harbour version 14-18. "Sa seule victoire sera l'amour" ; punaise, ça ne sentait pas la rose dès le départ !
Voilà quelques mois j'ai découvert l'excellente BD éponyme de Carlos Puerta et de Pierre Veys. Un peu de pub vers ma critique de ce premier tome "Le bal des mitrailleuses":
http://www.senscritique.com/bd/Le_bal_des_mitrailleuses_Baron_rouge_tome_1/critique/24931306
Saisi par la qualité du dessin, j'ai surtout été intrigué par le portrait de ce Baron Rouge transformé en véritable Serial Killer en puissance. Vous allez me demander quel lien avec le film ? J'y viens, rassurez-vous. Le choix fait ici est simple et a été expliqué par le cinéaste lui-même : on ne peut faire un film à la gloire d'un héros de guerre allemand lorsqu'on est allemand. Les Nazis, deux guerres mondiales, impossible. Alors si on veut traiter tout de même d'un héros de guerre, mieux vaut choisir la première guerre mondiale aux tords partagés et s'arranger un peu avec les faits. Richthofen deviendra donc un pacifiste, éternel beau gosse, qui sera coaché par une infirmière toute mignonne, à moitié belge et allemande, secondé par un juif, et .... merde.
Alors, bien entendu, on pourra toujours louer l'effort de reconstitution ; belles maquettes, beaux avions, canons et autres uniformes. Mais même là, on se retrouve avec des coquilles énormes comme ce dessin de "La mort qui fauche" sur un appareil britannique alors que ce dessin était un apanage français. On s'en cogne me direz-vous ; non car, outre l'immense réserve de livres sur le sujet, de photos, ce détail devient un élément important du scénario, première cible du héros. Ah, le scénario. La première partie est une véritable partie de saute-mouton ; on passe allègrement d'un moment à l'autre, grâce à une petite chronologie, ce qui a pour conséquence de saucissonner le rythme ; là printemps 1916, puis 3 minutes plus tard automne, puis hiver 17. Approche étrange et assez inefficace même si on s'en sert pour asseoir une approche historique rigoureuse ; enfin du moins on tente. Nikolai Müllerschön nous livre quelques séquence idiotes au possibles d'anthologie, telle ces soldats allemands qui défendent une batterie d'artillerie lourde. Distant de plusieurs kilomètres du front, les canons allemands arrosent les Anglais. Ces derniers ne se laissent pas compter et ripostent ... le soldat allemand, fier, se dresse avec son fusil pour tirer sur l'anglais, toujours distant de plusieurs kilomètre donc, avant de se faire dessouder par une rafale de mitrailleuse. Moralité les balles de 14-18 avaient la capacité de nos missiles actuels pour un coût bien moindre ... Autre séquence mémorable que de voir ce cher baron élevé dans la rigueur prussienne, se permettre de critiquer et d'envoyer se faire foutre rien de moins que le Kaiser en personne. Et pour dire quoi ? La guerre c'est moche.
On en revient à la BD. Intéressé par le portrait de cette dernière, j'ai voulu me renseigner sur la véracité des faits. Richthofen a écrit des mémoires, ça aide. Il n'aimait pas voler, préférait le cheval, était un fervent patriote et se battre ne semblait pas lui poser de problèmes moraux. Loin d'être un chevalier arthurien il était un pragmatique, un soldat. Pacifiste ? Non, il voulait plus que tout se battre, et le ciel fut un simple exutoire à cette volonté. Du coup ce portrait est ridicule, ce qui est synthétisé par une séquence d'intro pathétique voyant le preux chevalier lançant une gerbe de fleur en plein vol sur le cercueil d'un as anglais, ou encore par la gestion catastrophique de cette amourette sans doute destiné à ratisser le chaland féminin. Et puis une histoire de pilote sans femme, est-ce simplement concevable, n'est-ce pas ?
Alors rien de plus à positiver ? Les acteurs sont corrects, à commencer par le héros, Matthias Schweighöfer. Intéressant, aussi, de voir cette séquence de propagande qui n'est pas sans rappeler le travail d'Eastwood sur "La mémoire de nos père" ou, encore plus proche, celle du chef d'œuvre du genre, "The Blue Max", autour de Stachel. Mais foutre, pourquoi cette musique omniprésente et lourdingue ? Bordel pourquoi ce juif ? C'est devenu un lieu commun ; il faut se purger des erreurs du passé, trouver un alibi à toutes les conneries. Alors on prend le noir de service dans les films US comme Flyboys et ici on prend un juif. Le générique de fin confirme qu'il n'y a eu aucun juif auprès du Baron Rouge et que c'est juste une façon de rendre hommage aux Juifs qui se sont battus. Et les bruns ? Et les roux ? Rien sur les bègues ? Et les homos ? Et ceux qui sont moches ? Et ceux qui ont un petit pénis ? Ou un énorme ? Pour le prochain Star Wars j'espère qu'il y aura des Ewoks pour ceux qui ont donné leur vie pour permettre à Disney de remplir la pompe à fric.
Et les pilotes ? Pourquoi ne pas rendre simplement hommage aux pilotes ? En lieu de ces mecs toujours nickels, pourquoi ne pas les rendre crasseux, épuisés, désabusés ? Il suffit de creuser le sillon du Crépuscule des Aigles et du génial Karl Michael Vogler, de regarder les photos de guerre de ces jeunes pilotes de retour de mission, crasseux et vidés. Pourquoi ne pas aborder l'alcoolisme, la violence. Même les civils sont ridicules ; un zinc se pose, les gosses savent que c'est Richthofen. Pire, des prisonniers français croisent sa voiture ; ils demandent des autographes ! Foutre mais en 14-18 il n'y avait pas internet ! Les photos n'étaient pas sur les smartphones des tranchées ! Bordel mais les Français voulaient bouffer du boche et les Allemands du Poilu crasseux ! "Oui mais, monsieur, il y a aussi le Noël 14!" Non, mais en tentant de trouver des arguments je n'y peux rien cette séquence est purement idiote.
Un énorme gâchis, motivé par une volonté de faire d'un soldat, d'une guerre, un héros chevaleresque, entre pilotes chevaleresques et un moment choupinet. Oui, la guerre c'est horrible et il ne faut pas la glorifier. Et bien ce sont des œuvres comme ce Baron Rouge ou Pearl Harbour qui nous font l'oublier. Et ce ne sont pas deux ou trois dialogues à la guimauve d'une infirmière qui feront passer ce goût détestable d'un énorme potentiel foutu en l'air. Et tout allemand que l'on soit, on peut aussi avoir des Gross Kouillen : Das Boot, Stalingrad voir, dans un autre style, Unsere Mütter, unsere Väter (generation war in french).
Préférez donc la BD, le Baron Rouge, et, encore plus, The Blue Max, œuvre unique et, elle au moins, subtile, touchante et enivrante.