Imaginez un monde sans électricité.
Une alternative qui fait rêver beaucoup d’écrivain.es et fait couler beaucoup d’encre, n’est-ce pas ?
Maintenant, imaginez réellement un monde sans électricité, de nos jours. On est d’accord, nous ne sommes pas prêt.es. Aujourd’hui, l’électricité est partout : dans nos maisons, nos rues, nos commerces, nos écoles, nos hôpitaux, nos bureaux et j’en passe. Elle est indispensable à tout un chacun, plus encore dans le monde occidental. À chaque seconde, des milliards d’électrons circulent entre nous. Mais alors que l’électricité est devenue vitale, très peu savent vraiment d’où vient ce courant.
En France, une partie de cette énergie est produite par nos barrages hydroélectriques (environ 10 à 15%), entièrement gérés, jusque-là, par EDF. Mais récemment, la Commission Européenne a mis en demeure la France pour qu’elle ouvre à la concurrence un tiers de ses grands barrages hydrauliques et si la France venait à céder là-dessus ce serait catastrophique.
Pourquoi ? Me direz-vous. C’est tout l’objet de ce documentaire où s’expriment tour à tour des ingénieur.euses, des chercheur.euses, des député.es, des économistes, des scientifiques, des habitant.es ou des syndicats.
Je ne vais pas résumer une heure et demie de documentaire en quelques phrases mais globalement, voilà l’idée : les barrages, c’est la manière la plus simple et la plus rentable de produire et réguler l’électricité en France, de la stocker aussi. Ce sont les barrages qui évitent régulièrement au pays des coupures généralisées. Un manque à gagner ? Ouvrons les vannes. Un trop plein à freiner ? Fermons les vannes. Et c’est tout (bon, ce n’est pas tout, tu t’en doutes bien, mais je schématise un peu). Ainsi, Tout opérateur privé qui mettrait la main sur le réseau serait assis sur un tas d’or. Et pourrait spéculer à loisir sur le prix du kWh. C’est ce qui a d’ailleurs commencé à se produire avec la fusion d’EDF et d’Engie et l’entrée d’Engie en bourse… Mais l’augmentation que nous avons connue jusque-là n’est qu’un grain de sable sous ta chaussette. Là, une privatisation, ce serait un rocher sous ton pied.
Autre point, les barrages EDF stockent 75% des eaux de surface de pays. Soixante-quinze pour cent ! Et cette eau sert à notre petite consommation personnelle, certes, mais aussi (et surtout !) à l’agriculture, au tourisme, au refroidissement des sites industriels, etc. Sachant que dans les années à venir l’eau va se raréfier ; si on privatise tout ça… le tas d’or des opérateurs privés se transformera vite en montagne.
Enfin, ce serait une aberration en termes de sécurité. Oui, les barrages ont un potentiel de dangerosité particulièrement élevé, il suffit de regarder des vidéos de barrages qui cèdent pour convaincre les plus sceptiques. Leur maintenance est donc d’une importance capitale. Pour éviter, par exemple, un enlisement ou des vannes bouchées, les barrages sont reliés entre eux, coordonnant leur entretien pour draguer le surplus de terre qui s’amoncelle chaque année. Maintenant, imaginons que chaque barrage appartienne à une entreprise privé différente. Qui nous dit qu’elles vont se coordonner pour la maintenance ? Surtout, dans notre société capitaliste, la mode et au profit. Rendement, rendement, profit, argent. Qui nous dit que les équipements seront les plus qualitatifs (et pas les moins chers) ? Que les équipes seront toutes maintenues, dans des conditions de travail saines, avec une formation adéquate ?
C’est pour toutes ces raisons (et d’autres mais je ne vais pas tout retranscrire ici), qu’il est indispensable de se rendre compte du danger que représenterait une privatisation de nos barrages. Alors on est d’accord, les barrages sont des désastres environnementaux, même si la faune et la flore s’adapte ensuite – lentement – mais ici il n’est pas question de construire de nouveaux barrages mais bien de garder ceux qui existent déjà.
La France est sur le point de brader notre électricité, nos barrages, de l’offrir au premier privé venu dans l’indifférence totale, dans le silence le plus total alors même que nous sommes absolument dépendant.es de l’énergie produite par ces barrages.
Ce documentaire est tout simplement excellent. Abordable, clair, simple mais pas simpliste, avec des avis diversifiés et approfondis qui nous éclairent sur la situation actuelle et pourquoi, pourquoi il est si important de ne pas privatiser nos barrages. Un film qu’il faut absolument voir et faire voir avant qu’il ne soit trop tard !