Barres est un court métrage sympathique auquel les Parisiens utilisateurs du métro seront plus sensibles que ceux qui n’ont jamais pratiqué l’exercice du passage des barres d’entrée. Le film date de 1984, Moullet évoque la fin des poinçonneurs dix ans plus tôt et l’arrivée des composteurs automatiques et des contrôleurs.
Le film est en fait une réaction à une campagne de la RATP en 1982 intitulée « frauder c’est bête », dont on voit les affiches dans le film, et dans lesquelles les fraudeurs sont comparés à des rapaces ou des rats, rien de moins. Luc Moullet retourne l’argument avec beaucoup d’humour, et nous montre l’ingéniosité des fraudeurs puis des techniciens qui améliorent leur système pour empêcher la fraude, entraînant de nouvelles techniques des fraudeurs. Il nous décrit ainsi les différentes façons de passer les tourniquets ou les portes à sens unique. Et il se permet de citer Pascal, insiste sur la solidarité, et finit même par démontrer que cet usage du saut du tourniquet serait de l’or en barres pour les JO !
Voir aussi, très différent mais aussi en réaction à cette campagne de la RATP, Massacre à la poinçonneuse :
http://www.dailymotion.com/video/x6iwiq_massacre-a-la-poinconneuse_shortfilms#.UcrX6djvhHk
Enfin, par hasard, je suis tombé sur des propos que Luc Moullet aurait tenu sur son film (mais je n'ai pas trouvé la source) :
Utilisant fréquemment le métro parisien, j’avais été émerveillé par
la ruse, l’art et la grâce des fraudeurs face aux barres et
tourniquets - le terme officiel est tripode - qui ouvrent l’accès aux
quais. J’ai essayé de restituer pour l’éternité ces multiples
pratiques vouées à l’oubli (ainsi que l’évolution des moyens de
dissuasion, toujours plus sophistiqués). J’en ai rajouté quelques-uns,
assez gratinés, que j’ai inventé. Il y a donc du documentaire
(reconstitué) et de la fiction dans "Barres", presque entièrement
tourné en studio : on ne nous aurait pas permis de filmer à
l’intérieur de l’enceinte du métro, vu l’importance quelque peu
bienveillante accordée par nous à la fraude. J’ai aussi établi une
sorte de catalogue de tous les bruits insolites particuliers au métro
et à son arsenal répressif. Après la diffusion de "Barres", la
fréquentation des rames s’est accrue : les gens prennent le métro, non
plus pour se déplacer, mais pour admirer le spectacle des fraudeurs, ou la victoire de l’art sur l’utilité
Voilà une belle conclusion !