Je n'aurais pas imaginé a priori Humphrey Bogart dans le rôle de l'icône délivrant un message prônant la liberté de la presse dans une jungle états-unienne aux mille dangers — les menaces des truands, le poids des tutelles institutionnelles, les intérêts financiers qui s'en mêlent — mais a posteriori ça ne lui va pas trop mal, ce personnage de rédacteur en chef très stéréotypé qui lutte contre vents et marées pour imposer une presse indépendante et rigoureuse. "Deadline - U.S.A." s'inscrit dans un contexte très particulier (l'imposition du maccarthysme) et peut paraître vu d'aujourd'hui, assez vieillot dans la façon d'énoncer ses grands principes ou de faire dire aux personnages des saillies verbales un peu ampoulées, style "A free press is like a free life. It's always in danger." ou encore "An honest free press is the public first protection against gangsterism, local or international". C'est très rigide comme démonstration avec le recul, et la coquille formelle du film noir ne permet pas d'adoucir tous ces écarts.
Mais sous un autre angle, le côté combattif, opiniâtre et idéaliste de Richard Brooks a quelque chose d'un peu touchant dans son contexte, et c'est bien la seule chose qui permet de lâcher du lest vis-à-vis de la raideur du traitement. C'était l'époque où l'on pouvait afficher, non sans une certaine naïveté, que le journalisme était le plus beau métier du monde par exemple. On ne peut pas dire que l'argument soit particulièrement bien étayé dans le film, c'est un schéma assez simpliste qui s'impose au protagoniste, et manifestement la notion de vérité a énormément évolué avec la transformation des espaces médiatiques. Mais bon, Bogart luttant contre différents groupes de pression, Bogart qui n'a pas peur de rire au nez du plus gros pilier de la pègre (séquence marquante du coup de téléphone où il répond au truand en lui faisant entendre les rotatives imprimer le journal accusant ce dernier), il y a là des intentions nobles prises dans un cadre un peu désuet qui n'est pas totalement dénué de charme. "A free press, like a free life, sir, is always in danger", comme il le dira avec fierté. On peut regretter la faiblesse de nombreux seconds rôles, comme Ed Begley tristement sous-exploité, ainsi que la multiplication des pistes pas toujours fécondes (l'arc narratif lié à sa femme et son divorce est très inutile).