Lorsque j'évoque Basil détective privé, la majeure partie des gens ne voient même pas de quel disney je parle...Pourquoi ce disney souffre-t-il de ce "syndrome d'invisibilité" ? Peut-être est-il sorti à une période charnière qui l'a laissé coincé entre deux générations (la nôtre et celles de nos parents), peut-être est-il trop sombre et trop adulte pour être réellement apprécié des enfants, peut-être l'échec de son prédécesseur, "Taram" a-t-il échaudé le public, toujours est-il que Basil reste le grand oublié des classiques.
Et pourtant quel film : les décors d'une Londres plongée dans le brouillard, humide et menaçante, la transposition ingénieuse des personnages de Conan Doyle dans un univers miniature qui rend celui des humains inquiétant et oppressant, l'humour - légèrement grinçant (on aime ou pas), l'animation fluide et dynamique (de mémoire Basil est l'un des derniers à utiliser encore l'animation traditionnelle), une séquence d'anthologie dans la tour de big-ben qui passe plutôt bien les années, un méchant charismatique, un pastiche des bas-fonds fort réjouissant, des chansons discrètes mais efficaces - le très amusant "Bye-Bye" de Ratigan, parodie de chanson d'amour profondément cynique. Non, pour moi, rien ne vient entacher ce disney, sauf éventuellement le personnage d'Olivia, crispant et mal utilisé, le rajout "mignon" que les studios se sentent systématiquement obligés de coller partout, même lorsque son utilité est discutable. Mettons qu'elle adoucit un peu la noirceur ambiante.
J'apprécie tout particulièrement le fait que le personnage de Basil soit antipathique, comme l'est Sherlock Holmes, là où on pouvait craindre une mièvre resucée façon disney mais non : il est suffisant, égoïste et déteste les enfants. Il ne paraît héroïque qu'en opposition à Ratigan, à peine pire dans leur duo d'ego. Une adaptation intelligente, très adulte, très mal aimée.
Pour la petite anecdote, l'échec de taram avait fait reconsidérer aux studios disney l'intérêt de poursuivre les films d'animation. Basil étant sur les rails, ils le menèrent tout de même à terme, comme "crash-test", notamment pour l'usage de l'informatique (la séquence dans la tour de l'horloge a été conçue par ordinateur). Mal aimé ou non, Basil a suffisamment bien tiré son épingle du jeu pour convaincre Disney de continuer, ce qui donna ensuite "La petite sirène", "Aladdin", "La belle et la bête" et "Le roi Lion"...qui l'éclipseront totalement. Les petits frères sont des ingrats.