Je ne connaissais pas ce Julian Schnabel, réalisateur et peintre lui-même, mais la première chose qui vient à l'esprit quand on regarde sa vision de la vie de Jean-Michel Basquiat, un peu comme chez Jarmusch, c'est qu'il sait bien s'entourer. David Bowie, Dennis Hopper, Christopher Walken, Courtney Love, Gary Oldman, Vincent Gallo, et le tout jeune Benicio del Toro : c'est une faune assez marrante à voir réunie dans ce film à l'atmosphère singulière. Et Tom Waits, Iggy Pop, et les Pogues de Shane MacGowan sont dans la bande originale.
L'histoire toute new-yorkaise d'un graffiteur devenu le premier peintre noir doté d'une solide renommée. Mais son film, il était déjà écrit puisqu'on parle d'une figure majeure du monde de l'art morte à 27 ans d'une overdose de cocaïne et d'héroïne. Chose appréciable, le réalisateur semble bien connaître les écueils des biopics traditionnels et dépeint le portrait de Basquiat par petites touches successives, tout en poésie hallucinée, loin de toute représentation chronologique scolaire et rébarbative. Il en profite également pour brosser un certain tableau de New-York dans les années 80, avec son microcosme artistique qui y bouillonne : pas de complaisance, mais plutôt un souci constant d'authenticité, de fidélité. Authenticité qui se retrouve dans le personnage d'Andy Warhol, grand ami de Basquiat, interprété avec un vrai talent par David Bowie, qui a eu accès au vrai set perruque-lunettes-veste du roi du pop art.
Le film a cela de déroutant que le portrait qu'il dresse de l'artiste est très évasif, il ne cherche pas à répondre à quoi que ce soit. Le processus de création artistique ne sera à aucun moment abordé, tout du moins pas de manière directe, pas plus que toutes les conditions qui conduiront Basquiat à sa mort. Preuve de la tendresse du regard de son auteur, un personnage du film, Milo, présente à Basquiat une de ses toiles en lui disant qu'elle a été peinte "pour un ami qui est mort". Ce tableau, c'est précisément celui que Schnabel a peint le jour où il a appris la mort de Jean-Michel Basquiat : « Au cinéma, c'est un peu comme dans les rêves : vous pouvez faire revenir quelqu'un d'entre les morts et lui montrer un tableau que vous avez peint en pensant à lui. Vous pouvez même lui demander son avis sur ce tableau. »
[Avis brut #36]