Je le sais et l'avoue sans honte. J'adore fouiner, mettre mon nez un peu partout dans le Septième Art et choper des pellicules totalement underground. De temps en temps, il me prend ce genre de petit délire. Hier soir, ce fut plutôt deux délires en un. Le premier est d'approcher encore Lav Diaz qui n'est pas le réalisateur le plus accessible au monde et qui, après un démarrage quelque peu calamiteux, m'a charmé avec ses From What Is Before et Death in the land of Encantos. Enfin, le deuxième est d'oser m'aventurer dans les sombres strates de sa filmographie qui ne furent vues que par peu de gens hors Philippines. Lorsque mon regard croisa Batang West Side, la classique lumière qui vous dit "Regarde le !" fut présente et comme je suis dans le mood des films très longs à évacuer avant de rentrer sur le marché du travail (oui car je déteste regarder des films en plusieurs fois sauf cas vraiment extrêmes en durée), il en était prioritaire.
Et à la lueur de ces événements, j'en suis vite venu à la conclusion que ma lumière s'était ouvertement foutue de ma gueule. Ma sacro-sainte règle est de regarder chaque film jusqu'au bout, même quand celui-ci est d'une transcendantale nullité. Mais je dois bien reconnaître avoir eu énormément de mal à tenir le coup face à ces 5h15. Point positif, le film obtenu en téléchargement (car le format physique, vous pourrez aller vous faire voir chez les grecs pour y avoir accès) était décomposé en 3 parties, elles-mêmes scindées en deux. Par ce judicieux procédé, le visionnage qui était une épreuve tortueuse n'en arrivait pas à virer au supplice. Une petite pause entre chaque pour un grand bol d'air frais à compter les minutes restantes.
Je suis vache me direz vous mais pour être honnête, je ne me souviens pas avoir été face à une séance aussi calamiteuse pas seulement dans l'oeuvre elle-même mais dans sa qualité physique. Image dégradée au possible rappelant les conditions de conservation précaires du cinéma d'exploitation hong-kongais, une bande son infâme que même les vieux avi. de 350 Mb n'osaient pas faire, des indicateurs de durée et autres successions de nombreux chiffres dans le bas de l'image et finalement un titre en gros caractère sur le haut de l'image "Festival film commitee viewing only" (si mes souvenirs sont bons). D'accord, ce n'est pas de la faute de Lav Diaz ce suicide rétinien mais avouez qu'il y a de quoi pleurer sur le peu de considération du matériau cinématographique.
Toutefois, à ceux qui le louangent, sachez que le Lav Diaz d'avant n'a rien à voir avec celui d'aujourd'hui. Exit les plans à tomber par terre, exit le contemplatif, exit la sérénité à double-tranchant. Ici, c'est de l'amateurisme, le vrai de vrai mais pas le bon. Non, non c'est le mauvais ! Celui qu'on prie pour ne jamais tomber dessus. En ce qui me concerne, je fais partie de ces gens qui trouvent que l'on peut styliser des ordures ou une fosse septique avec un travail sur les couleurs (je vous prierai de vous abstenir de tout second degré scabreux), les contrastes et les mouvements de caméra. Hors ici, c'est tout le contraire. Lav Diaz filme les rues grises et ternes du New Jersey, les intérieurs décrépis avec une caméra bas de gamme. Ce n'est même pas poisseux mais hideux. Il n'y a pas le moindre bel instant esthétique rencontré. En un sens, on est presque sur du Wang Bing sauf que lui fait du documentaire et pas Diaz qui nous conte une histoire d'une triste médiocrité.
J'avais déjà fait ce reproche à Norte qui n'avait pas une trame justifiant une aussi longue durée mais au moins il savait se rattraper par un minimum de professionnalisme et d'instants intéressants. Ici il n'y a rien. C'est fade, c'est nonchalant. Il y a, à la grosse louche, plus de 80% de passages qui ne racontent rien, se focalisant sur la vie de personnes interrogées dont l'on se fout complètement puisqu'il n'y a aucun travail de personnalité sur ces quidams qui ne les fait exister devant la caméra. Il n'y a ni suspense, ni l'atmosphère morbide de l'affaire policière. Batang West Side est un espèce de gigantesque reality-show sans quelconque conviction.
Je ne suis pas un spectateur vachard qui déverse sa bile en attribuant des notes négatives avec une gratuité malsaine mais ici je ne peux pas offrir plus d'une étoile à cette escroquerie qu'est Batang West Side. Cela aura eu pour effet de mettre mon tempérament de fouine en grève pour un petit moment.