Contestant chacun les méthodes de l’autre, Batman (Ben Affleck) et Superman (Henry Cavill) entrent dans un conflit chaque jour plus ouvert. Ils ne se rendent pas compte que ce conflit est arbitré dans l’ombre par un certain Lex Luthor (Jesse Eisenberg, éternel et exaspérant cabotin), qui cherche à désacraliser les deux super-héros en les faisant s’entretuer…
Les Grecs avaient leurs Zeus, Héphaïstos ou Poséidon ; les Romains avaient leurs Jupiter, Mars ou Pluton ; les Américains ont leurs Batman, Superman ou Wonder Woman. Car même s’ils ne leur vouent aucun culte religieux, c’est bien d’une mythologie qu’il s’agit ici, et qui se revendique comme telle. J'écris que les Américains ne leur vouent aucun culte, mais c’est peut-être généraliser un peu vite, car c’est encore ce qui justifierait le mieux l’aveuglement des producteurs face à leur produit et toutes les erreurs qu'ils font sans aucun scrupules, visiblement.
Comme on s’est vite lassé de tous ces films de super-héros, les producteurs ont cru que mettre en scène un film réunissant plusieurs de leurs personnages cultes redonnerait davantage d'intérêt à leurs films. C'est Marvel qui eut le privilège d’inaugurer le prototype même de la fausse bonne idée en liant tous leurs personnages en un seul film avec le néanmoins très réussi Avengers. C’est tout naturellement que les studios DC suivront la mode de leur concurrent en introduisant avec ce Batman v Superman les différents personnages de leur univers étendu. Mais on m'excusera de ne pas voir en quoi lier les récits de plusieurs super-héros effacerait la lassitude que je ressens déjà face à leurs aventures en solo.
On retrouve en effet dans cet épisode (car désormais, les films de super-héros ne sont plus que des épisodes, et non des films à part entière) exactement les mêmes tares du film précédent de Snyder, Man of steel. On se retrouve avec une première heure et demie où Snyder nous offre ce qu’il sait faire de mieux : pas de grosses batailles où tout pète dans tous les sens, pas d’immondes créatures sorties d’on ne sait où, pas de grands effets de manches... Grâce à une magnifique photographie de Larry Fong mais aussi à un scénario étonnamment patient, Batman v Superman parvient à nous faire croire pendant sa première moitié qu’il sera un très bon film. La lente montée en puissance du conflit entre les deux héros est parfaitement orchestrée, et même si Ben Affleck nous montre qu’il fait de jour en jour des progrès dans la fadeur, son visage étant plus monoface que jamais, et qu’Eisenberg, d’une remarquable absence de charisme, en fait des tonnes jusqu’à se rendre insupportable, Henry Cavill et Amy Adams compensent parfaitement le tout par la sobriété de leur jeu, rendant leurs personnages bien plus intéressants que les autres.
Mais voilà, arrive la deuxième moitié du film, avec la création de l’ignoble créature Doomsday, antagoniste grotesque, qui annonce un climax des plus pénibles. Et de ce point de vue-là, on n’est pas déçu, tant le combat final tire le film vers le nanar avec une alacrité surprenante. Le tout n’est guère rehaussé par une musique sans âme signée Hans Zimmer et Junkie XL qui, malgré la réussite du thème de Lex Luthor, culmine dans la laideur avec le thème atroce de Wonder Woman, dont on espère qu’il se fera vite oublier dans les films suivants.
Finalement, ce qui surprend le plus, dans Batman v Superman, c’est l’incroyable capacité de Zack Snyder à saboter sa propre œuvre en basculant constamment dans un ton grandiloquent du plus mauvais effet, qui réussit à rendre mauvais un film qui s’était pourtant avéré d’excellente tenue dans sa première moitié.
J'ai comparé tout-à-l’heure ce film aux mythologies grecques et romaines. Cette analogie est évidemment loin d’être fortuite, puisque même si on serait tenté de voir dans le genre super-héroïque une religion laïque moderne qui ne désacralise les dieux traditionnels que pour en ériger d’autres à leur place, il n’est en rien une religion. Car c’est le triste destin des mythologies d’être périssables, de finir par sombrer dans l’indifférence générale et de n’exister plus que sous la forme desséchée et désincarnée qu’on leur connaît dans les livres d’histoires. Et finalement, n’est-ce pas là le destin qui attend tous ces films de super-héros qui ne fleurissent sur nos écrans que pour mieux faner après ?