Nous sommes le 10 janvier 2020 et une critique de Batman Versus superman apparaîtra sans doute un peu tardive. Pourtant, il m’apparaît, au contraire, que ce film devait être appréhendé avec du recul, moyennant de la maturation dans les esprits.
Il faut dire que j’ai rarement connu une oeuvre qui avait déclenché autant de passion et de propos excessifs, dans un sens comme dans un autre.
Sans rappeler en détail le contexte, aujourd’hui bien connu, il faut simplement indiquer qu’une première version du film est sortie et a été globalement bâchée par la critique et apparaissait faire pâle figure face à son concurrent « civil War » de chez marvel. En conséquence, le film a connu des résultats mitigés au box-office, ce qui a amené, d’une part, la sortie d’une version longue plus satisfaisante et d’autre part, la confirmation de choix douteux par la Warner, dont le paroxysme sera atteint par justice league.
Il s’en est suivi une profonde division parmi les spectateurs entre ceux qui soutiennent que l’on avait affaire à un chef d’œuvre incompris et les autres qui défendaient une certaine médiocrité. Il faut aussi ajouter que la sortie de son Alter Ego de chez Marvel a gonflé l’opposition historique mais toujours artificielle, entre les pro DC et les pro Marvel. Les insultes ont ainsi longtemps fusées sous des airs d’un OM/PSG.
Qu’en est il aujourd’hui, soit 4 ans après environ ?
Le film reste délicat à évaluer, car sous certains aspects on aimerait lui mettre un 10, mais sur d’autres la chute est certaine. D’ailleurs ma note n’est pas le résultat d’une prestation que j’ai trouvé pleinement homogène, mais un équilibre entre d’immenses points forts et de grosses failles.
On peut simplement admettre que la « vraie » version du film est bien l’extended édition qui aurait dû être celle de la sortie initiale (Première grosse erreur de la Warner). Je suis sorti extrêmement mitigé du cinéma lors de la vision de la version initiale, mais il faut admettre que tout va un peu mieux sur cette version longue. Il a juste été délicat de vraiment re donner une chance au film, sans être influencé par les premières impressions sur sa version courte.
Ensuite, sur le fond, je ne peux que louer les forces du film retrouvées dans les intentions qu'il affiche. Le film est ambitieux, généreux, dense et se propose de développer des thèmes intelligents, dans une atmosphère sombre et mature. c'est un film qui a des parti-pris et qui prend des risques. A la différence d’un film Marvel qui « aborde » telle ou telle thématique, BvS fait partie de ces films (Comme Watchmen, Joker) qui se « centrent » sur des réflexions. Alors que le Civil War va aborder les grandes questiosn pendant 10 minutes puis bifurquer vers une intrigue plus « intime » et personnelle, ce BvS va rester droit dans ses bottes du début à la fin (Nota : dans les deux cas, les choix sont respectables).
Ce film remettra sans cesse au centre du sujet les questions de la place du super-héro dans la société, de la corruption nécessaire (ou pas) du pouvoir, du maniement de l’opinion ou encore du divin. La version longue permet de mieux comprendre aussi les motivations des personnages et comment les évènements du scénario s’articulent.
Et tout ceci servi par l’esthétique de Snyder aux petits oignons et une bande originale efficace. Il faut aussi un combat final dantesque face à un des adversaires les plus forts d’un film de super héro (sans doute avec Thanos).
Cependant, le film souffre également de scories qui l’empêchent de faire partie d’un top 10 de films de super héros et encore moins d’être considéré comme un chef d’œuvre.
D’abord, le gros problème tient du fait que Snyder est certainement un grand réalisateur, mais il est beaucoup moins doué à l’écriture. On retrouve un peu les mêmes failles que Man of Steel (sans la scène du chien heureusement). L’écriture se montre défaillante à tous les niveaux : le scénario, certains personnages, leurs relations. Le tout reste confus avec quelques arcs qui ne mènent pas à grand-chose (celui de Loïs notamment). Des interrogations demeurent sur la crédibilité des manipulations de Luthor. Mais plus grave encore, on ne croit pas en des choses essentielles du film : l’affrontement entre les deux héros, les intentions de Luthor lors de la création de Doomsday. En outre, à l’instar de Man Of Steel, on a l’impression que les idées ne sont pas très claires derrière certaines thématiques (notamment la religion). Certains ont trouvé une explication derrière le fameux « Marta », mais, comme le reste, on ne peut pas dire que ce soit limpide. Or, je pense que les meilleurs films ont pour eux d’être relativement fluides et clairs à tous les niveaux (sauf la fin de 2001 l’Odyssée de l’espace !!!).
Ensuite, son handicap tient du fait qu’il fasse partie d’un DCEU. Or, le film devait développer batman (absence de film solo Batman préalable : erreur n°2 de la Warner à ce stade) et devait ajouter la justice league, Wonder Woman et préparer encore l’avenir par quelques visions du futurs (dont aura peut être jamais d’explication…erreur n°3).
BvS pouvait vraiment devenir un film fantastique, mais au final il a pris toutes ses qualités de forme et ses intentions de fond, pour s’égarer.
Le pire est que son importance sera capitale pour la suite : la Warner va « cadrer » Justice League sur son ton et dans sa durée (erreurs n°4 et 5 de la Warner). Snyder va partir pour raisons personnelles (mais peut être pas seulement) et Whedon va rattraper comme il le peut, avant d’être cloué au pilori. Erreur n°6 de la Warner : absence de repport de justice League.
Le justice league sera un film très moyen et fera pour le coup, un bien pâle alter égo de l’Avengers de Whedon. Le DCEU va entrer dans des incertitudes, malgré l’excellent Wonder Woman et va alterner les films plus ou moins connectés (Aquaman/Shazzam) aux œuvres détachées (Joker).
Et j'en arrive finalement à la conclusion suivante: quelques soient les failles de ce Batman vs Superman, la Warner aurait du miser totalement sur la vision de Snyder et aller jusqu'au bout des choses. On aurait peut être eu une saga quelque peu confuse, mais qui sait si les prises de risques artistiques n'auraient pas fini par devenir (complètement) payantes sur plusieurs films.