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Zack Snyder a laissé beaucoup de monde sous le choc avec Man of Steel, production tellement boursouflée et indigeste qu’elle donnait au spectateur la sensation d’un bourrage de crâne, gavé à ras bord d’effets spéciaux aux couleurs criardes. Ce Batman v Superman ne faisant qu’osciller entre espoir et déception anticipée, il est nécessaire de bien peser le pour et le contre aujourd’hui, en précisant bien le fait qu’on ne le juge pas pour ce qu’il aurait pu être mais pour son rendu final. Dès lors, on touche un point sensible dans le flot ininterrompu de retours désastreux, à savoir que nombreux semblent juger celui-ci sur ses promesses plutôt que ses faits dans l’état. Cette Aube de la justice est sensiblement ce qu’on a vu de mieux depuis un long moment dans les films de super-héros, à tel point qu’il donnerait presque envie de revoir sa copie sur Man of Steel tant la liaison est cohérente, et surtout, parfaitement coordonnée.


Le reproche que l’on peut souvent faire à Snyder est d’être trop ambitieux, plus obnubilé par ses rêveries nerd que par le fait d’y inviter le spectateur à les partager avec lui. Sucker Punch en était l’exemple parfait, premier film original pour le réalisateur mais déconvenue totale face à un récit plus rythmé par des clips d’arts martiaux qu’un vrai fond théorique. Les reproches continueront aujourd’hui avec ce film, dans lequel les figures mythologiques se mêlent à la question du pouvoir, du groupe social, de l’étranger ou encore du terrorisme. Le combat titanesque entre Batman et Superman peut paraître comme un pur rêve de geek, n’ayant pas la capacité d’inclure un récit fort autour de lui, mais c’est tout le contraire tant il n’est pas motivé par le fantasme que par la croyance personnelle des deux héros. Quand Bruce Wayne voit chuter Metropolis dans les décombres, tout comme il a vu ses parents mourir, il sait que sa croyance se situe dans la présence inutile d’un étranger destructeur, tandis que Superman n’a aucun compte à rendre, sinon de se battre pour ceux qu’il aime, tiraillé par l’image d’un Dieu-démon que le monde lui a donné. En cela, on se rapproche d’une idée seulement effleurée dans Sucker Punch, à savoir la croyance en notre humanité et ce qu’elle crée, tandis que nous reflétons nos rêves sur des figures supérieures. Doit-on s’en remettre aux lois, aux institutions qui ne peuvent, décemment, faire face aux pouvoirs possiblement destructeurs d’un surhomme ? Ou s’en remettre à la haine, préférer l’incompréhension et sombrer dans la noirceur, à l’image d’un Batman plus obnubilé par ses divagations nocturnes que par la justice qu’il devrait remettre en valeur. Des questions complexes, qui sont parfois mal amenées, peu subtiles (une habitude chez Snyder), mais globalement plus intéressantes dans le contexte anticipé du film, se déroulant en 2018. Si les problèmes scénaristiques sont inhérents à un film d’une telle envergure (le plot-twist raté), qui doit encore en plus poser les bases de la Justice League à venir, il convient d’admettre que Snyder a enfin le contrôle de sa mise en scène et libère toute la force métaphorique de ses images : ce ne sont plus de simples plans, mais de véritables tableaux, tel le déroulé devant nous d’un story-board qui libère l’espace, laisse les mouvements des héros prendre toute leur mesure. Jouissif est un adjectif bien limité tant il pense sa mise en scène, bombarde le spectateur d’images grandiloquentes et iconiques, sans oublier son penchant jamais caché pour la destruction. On n’a d’ailleurs jamais vu un Batman de cette ampleur, dont la robustesse ne fait que révéler ses faiblesses physique.


En cela, Batman v Superman est exactement ce qu’il doit être : un divertissement aux promesses démesurées, pas toujours tenues, mais autrement plus intéressantes sur le plan cinématographique que celles de Marvel. Snyder prend enfin le contrôle, laisse le champ libre à ses personnages, assure sa mise en scène d’une vraie dimension graphique tout en réussissant à y inclure une Wonder Woman autrement plus féminine que la Catwoman de Nolan. Si le caractère quelque peu épisodique du récit peut faire retomber la pression, il est de bon ton de féliciter le réalisateur d’avoir relevé un tel défi.

Florian_Bodin
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le 24 mars 2016

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Florian Bodin

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Kelemvor
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