Depuis plus de cinquante ans, les films sur la guerre sont présents dans l'histoire du cinéma. Justement parce qu'ils servent, en général, à juger, critiquer, remettre dans un contexte ou même apprendre sur des évènements passés. Une vertu pédagogique dominante, sous la forme d'un devoir de mémoire que nous nous devons de régulièrement mettre à jour si la vérité venait à s'effacer. Certains sortent pourtant du lot, préférant oublier l'histoire bataille pour se concentrer plutôt sur un seul évènement bien précis, soit parce qu'il reflète une humanité qu'on ne voyait que peu durant la guerre soit parce qu'il était suffisamment singulier pour qu'on narre son récit. Celui des Monuments Men, comme celui de l'opération Valkyrie ou d'autres, en fait parti.
Et après un plutôt réussi Les Marches du Pouvoir qui préfigurait quelque peu la fabuleuse série House of Cards, George Clooney s'attaque désormais à l'histoire peu commune d'un bataillon armé dépêché par Roosevelt pour aller sauver et récupérer les grandes œuvres artistiques dérobées par les Nazis dans l'intention d'en faire un musée dédié au Führer. Un récit peu commun il faut l'admettre et qui à son importance quand on sait que nombre d’œuvres ont été détruites durant la Seconde Guerre. Pourtant, et c'est bien là que le bas blesse, ce n'est absolument pas dans ce sens là que prend le chemin du récit. Nous pourrions imaginer un récit historique, documenté et pertinent traitant à la fois des difficultés à retrouver les œuvres et du combat qu'on du effectuer ces hommes contre la machine gouvernementale, préférant conserver ses hommes que la culture mondiale, mais il n'en est rien. Bien loin des œuvres et bien loin d'un vrai message, The Monuments Men n'est qu'un film patriotique édulcoré qui nous présente seulement ce qu'il souhaite qu'on voit.
Un constat regrettable quand on considère toute la dimension philosophique et pédagogique qu'un tel sujet peut engendrer. Plutôt que de nous apprendre quelques chose de plus ou tout simplement d'amener le grand public à s'ouvrir à un univers culturel, le scénario préfèrera se concentrer sur ces hommes, ces combattants de la liberté culturelle qui, même si l'on ne remets pas en cause leurs actes héroïques, ont probablement du être à des millénaires de la situation décrite. Comique, burlesque presque, le film est bancal de part sa volonté émotionnelle quant à nous faire réaliser que ces hommes étaient prêt à mourir pour les beaux arts quand de l'autre, il traite avec désinvolture de la cruauté de la guerre. Imaginez une situation comique désamorcée presque automatiquement ensuite par la découverte de dents en or arrachés sur des cadavres et vous comprendrez un peu dans quelle situation se trouve le film. Car bien que l'on puisse considérer que ces hommes allaient au combat la fleur au fusil, l'on reste dubitatif sur leur discours final. Coincé entre devoir de mémoire et devoir patriotique, le film en oublie son sujet essentiel : l'art.
Présenté comme un simple objectif, parfois comme un vulgaire objet, l'art n'a ici qu'une valeur figurative et morale dans le simple fait qu'il doit être conservé. Pourquoi ? Parce qu'il représente l'histoire des hommes certes, mais l'on se demande si il n'y a pas une raison cachée derrière tout ça. Pourtant le film questionne et propose nombres d'approches intéressantes, mais elle n'aboutiront jamais. La valeur spirituelle comme la valeur marchande sont mélangées et dénotent d'un certain manque de tact envers le sujet. Peut-être George Clooney aurait-il du mieux doser son propos, car au final il ne considèrera d'autant plus que deux œuvres en particulier quand celui-ci plus tôt, parlait de l'importance de l'art dans sa globalité. L'art n'est ici qu'un simple dérivé du Mac Guffin, quand il aurait pu être nettement plus. D'autant que scénaristiquement parlant, le film ne bouleversera personne. Simple récit de guerre, le film enchaînera scènes d'humour et scène de combat pour ensuite se tourner vers l'émotion, perdu quelque peu entre romance et désespoir.
Pourtant tout n'est pas à jeter, en particulier son casting très réussi, qui fonctionne très bien. C'est d'ailleurs grâce à la volonté de se concentrer sur l'humain que cela fonctionne. L'on regrettera simplement encore une fois un Jean Dujardin très bon mais sous exploité qui n'a l'air de servir que de faire valoir quand il pourrait pourtant offrir de grands moments, ou encore une Cate Blanchett qui n'a rien à faire dans le rôle d'une française à l'accent catastrophique et essaie tant bien que mal de nous faire croire qu'elle vit en France depuis des années. Pour le reste, cela sera du ressort du public qui soit acceptera ce message sans une once de réflexion soit d'y voir un message presque instrumentalisé et surtout patriotique et jusqu’au-boutiste.