Snyder est tiraillé entre les directives des grandes pontes et sa volonté d'offrir un spectacle hors norme aux fans hadcore, tout comme aux néophytes avec une philosophie conséquente et sincère. Le résultat est sans appel presque évident. Batman vs Superman est décevant, brouillon, embrouillé dans ses thématiques.
Il n 'y a rien de pire que des bédéphiles qui souhaitent le respect totale de l’œuvre originale.
Il n 'y a rien de pire que des producteurs qui cherchent avant tout le profit et donc plaire au plus grande nombre.
Snyder se perd. Il n'est plus compositeur mais devient un DJ. Comme Tarantino, il pioche dans sa culture, dans ses connaissances pour y insuffler un propos mais également une esthétique. Une culture rattachée à l'univers des comics (The Dark Knight Returns forcément), du jeux vidéo (Arkham, dans l'air du temps), du manga (Dragon Ball, encore et toujours), et de la mythologie grecque et chrétienne. Il ne s'agit plus d'une composition originale mais d'un set largement perfectible pour des séquences parfois matures, très souvent superflues et simplistes. Le duel de Frank Miller est culte parce qu'il y a confrontation d'idéologie. Dans Batman V Superman, l'affrontement est presque risible. Snyder reprend les traits de Miller mais oublie son contenu moral. Ainsi la structure s'effondre lamentablement. Il enchaîne les clins d'œil, ce besoin incessant de plaire aux fans, aux gamers, aux bédéphiles. Snyder n'est plus au service de son œuvre mais devient l'esclave de cette communauté devenu incroyablement pesante et dont il fait allègrement parti. Sucker Punch est une lettre d'amour cafouilleuse à ce cartel devenu gardien d'un temple plutôt que critique d'une opinion.
Triste.
Les producteurs semblent confiant, apprécient ce genre de démarche. Mais ils observent Snyder, le surveillent attentivement. Gare à cette cour royaliste qui cherche seulement le profit. La Warner a faim, et jalouse de loin le succès Disney/Marvel. Snyder subit cette pression. Il ne peut passer outre, surtout après l’échec commercial de Man of Steel. Il a les poings liés, et devient une bouche plutôt qu'une pensée. Batman V Superman n'est plus un film mais devient un pilote de série télévisée. Des personnages secondaires y sont imputés abondement. Ils sont vides de sens, seulement de l'enrobage, du bling bling qui sert nullement le sujet mais prépare les films à venir (on rassure les investisseurs).
Pathétique.
Alors il y a effectivement un discours philosophique, sur l'Homme, son rapport avec le divin, l'abus de pouvoir. Snyder parvient à se défaire, à certains moments seulement, de l'autorité du père Warner, mais l'argumentaire trop court, devient seulement un prétexte pour justifier un semblant de maturité. Il faut soutenir une ligne éditoriale propre à DC, se démarquer du géant Marvel; Snyder s' enflamme, se prend pour Wagner, rend son histoire opératique, mais tombe dans le ridicule avec une ambiance tantôt baroque, tantôt pauvrement digitalisée. Chaque personnage du film veut se démarqué, avec son passé tragique, ses enjeux dramatiques propres, au style bien défini. Le film n'a pas d'identité, Snyder se cherche continuellement. Man of Steel 2 ? Batman V Superman V Lex V Doomsday ?Justice League Introduction ? The Dark Knight Returns bis ? et s'emmêle les pinceaux, laissant le spectateur en plein désarroi face à des combats hystériques façon Sucker Punch, et des plans sophistiqués et maniérés façon Watchmen.
Confus.
Un auteur frustré de voir son œuvre définie par des producteurs véreux et des fans qui ne cherchent plus à juger un art mais qui, avec le sourire malicieux, attendent des résultats prédéfinis. Bravo à eux, ils ont tué le genre superhéro au cinéma.