BATMAN CONTRE SUPERMAN, difficile d'imaginer un match plus excitant et apocalyptique que la rencontre entre le dernier des Wayne et le fils de Krypton. Le premier n'est que chagrin et ténèbres, le second incarne l'espoir et la lumière. L'un est un survivant, l'autre un invincible. L'un est un mortel issu d'une riche famille, l'autre, un dieu élevé par des paysans. Ce genre d'affrontement entre deux héros que tout oppose existe depuis Hector et Achille, depuis Arthur et Lancelot. En ce début de 21ème siècle, les héros ont troqué leurs armures, leurs cottes de mailles et leurs épées pour des gadgets et des pouvoirs, des costumes et des capes. Avec leur Batman V Superman, Warner Bros et DC Comics proposent de nous raconter leur version cinématographique de ce choc des héros, à l'ère des images de synthèse et des budgets pharaoniques. L'enjeu derrière la réussite de ce film, outre un succès critique et commercial, c'est l'installation de la mythologie DC Comics au cinéma, restée dans l'ombre de l'univers Marvel, qui enchaîne les succès depuis près de 10 ans. En plus de devoir continuer son histoire où elle s'était arrêtée avec Man of Steel, Zack Snyder a aussi pour mission de présenter d'autres membres du panthéon DC dans ce très attendu Dawn of Justice, qui servira d'introduction aux futurs films de la grande rivale de Marvel Comics. Car si la Fox (l'autre concurrent) signe et persiste en produisant des merdes insipides depuis plus de 10 ans, DC a su mettre la pression à Mickey Mouse avec une belle trilogie consacrée à Batman et un Watchmen rafraîchissant du même Zack Snyder. Annoncé depuis pas loin de trois ans et (sur)marketé comme l'alternative sombre et sérieuse à l'univers cinématographique Marvel, Batman V Superman : Dawn of Justice sort enfin sur nos écrans. Le film tient bien ses promesses : une sombre merde qui se prend au sérieux.


Le film n'est pas fondamentalement mauvais, et tous les éléments qui le composent comportent de bonnes idées. Malheureusement, des décisions pas malines foutent en l'air tout ce que le film aurait pu être et laissent un sentiment de gâchis au spectateur plutôt qu'un arrière goût de médiocrité pure et dure. Ben Affleck, le vrai point fort de ce film, campe un Batman violent et largué qui n'a pas grand chose à envier à ceux de Michael Keaton et Christian Bale. Il est aidé par un Jeremy Irons impeccable en Alfred Pennyworth. Le duo Amy Adams - Henry Cavill fonctionne toujours correctement. Gal Gadot, qui fait surtout du mannequinat vu la faiblesse de son rôle, donne un premier aperçu rassurant de la future Wonder Woman. On la croit volontiers princesse-guerrière des amazones, avec ou sans son armure, bien différente de la Scarlett super-espionne de chez Marvel, plus ridicule que sexy avec sa chevelure rousse foirée et son justaucorps qui la boudine. Difficile cependant de défendre Jesse Eisenberg, qui fait juste n'importe quoi. Tout n'est certainement pas de sa faute, son personnage étant avant tout mal écrit et mal branlé. Cependant, la tentation de se frapper la tête contre le mur est forte lorsque l'on voit ce chouette comédien cabotiner et s'agiter pour rien dans une performance qui n'apporte rien au film et se torche avec ce qui caractérise Lex Luthor, meilleur méchant de l'écurie DC avec le Joker. Le Mr. Freeze de Schwarzy serait fier...


La direction artistique du film ne s'en sort pas trop mal. Les décors, costumes et accessoires des personnages sont plus sobres et modernes que jamais. L'ambiance sombre dont est imprégnée l'image tout au long du film mettent en valeurs ces partis pris de design. La différence avec la méthode Marvel est palpable est c'est appréciable. Toutefois, quelques laideurs viennent entacher ce quasi sans-faute, à commencer par une musique plate et convenue, signée par un Hans Zimmer qui n'en n'a manifestement plus rien à branler. Visuellement parlant, le film est assez parfait, à une exception près. Un "nique ta mère" spécial tout droit venu du méchant final du film, hommage pas nécessaire au grosses merdes en images de synthèse comme on ose plus en faire depuis près de dix ans. La mise en scène et l'action se révèlent également décevantes, surtout quand on les compare aux précédents films de Snyder. Surprenant quand on voit comment il a su transposer à l'écran les planches de Dave Gibbons et Frank Miller dans Watchmen et 300, et redéfinir l'expression "combat de titans" dans Man of Steel. BvS est un peu avare en action, et à l'exception d'une baston entre Batman et une dizaine de gredins, il ne propose pas de morceaux de bravoure particulièrement originaux ou satisfaisants. Le combat entre les deux têtes d'affiches est vite expédié et quasiment intégralement spoilé dans la bande-annonce. Bravo.


Les éléments précédemment mentionnés tirent le film vers le bas sans pour autant le flinguer complètement. C'est du côté de l'histoire qu'il faut donc creuser pour comprendre ce qui bute intégralement Batman V Superman. Sur le papier, tout pouvait fonctionner. Le film a le bon goût d'évoquer la portée politique et sociale de ses héros, ainsi que la légitimité ou non de leur existence et leur action. Plutôt pas con, d'autant que la controverse entourant la fin de Man of Steel ( Metropolis est en ruines à cause de Superman et Zod ) est un des principaux axes de l'histoire du film. Le monde a-t-il besoin de super-héros ? Les dégâts qu'ils causent peuvent-ils être excusés par le "bien" qu'ils font ? Doit-on éliminer un ennemi potentiel alors qu'il n'est encore qu'une simple menace ? Plutôt que d'intégrer ces questions à l'histoire et d'y répondre au cours des différentes péripéties qui la constituent, le film se contente de les balancer comme ça de temps en temps comme un mauvais étudiant en Philo citerait des penseurs célèbres pour faire croire qu'il les comprend. Non, le scénario de Batman V Superman est articulé autour d'une enquête inintéressante sur le plan débile d'un méchant mal pensé qui manipule les héros pour qu'ils se foutent sur la gueule. Cette intrigue bancale est de plus plombée par des publicités ridicules pour les prochains films présentées sous la forme de rêves/visions inexpliqués et de dossiers informatiques (sans déconner). Du n'importe quoi en barres. Les scènes d'actions sont toutes concentrées dans la dernière heure du film, ce qui laisse au spectateur le loisir de se faire chier pendant une heure et demi avec une intrigue aussi passionnante qu'un cross-over Derrick-Navarro. Le motif de réconciliation des deux protagonistes est ridicule, de même que la fin, navrante de bêtise et faussement choquante. On déplore aussi l'absence d'humour qui aurait pu lubrifier un peu ce gloubiboulga héroïque bien décevant. Les histoires de chez Marvel ne sont pas plus intelligentes, mais elles ont le mérite de rester suffisamment légères et humbles dans leur ton pour remplir leur fonction.


Batman V Superman échoue à faire de l'affrontement entre ses deux héros un film chouette, tout comme il échoue à poser les bases du futur DC Universe sur grand écran. Un plantage surprenant, quand on voit le budget, le temps, le talent et le marketing que Warner a consacré à ce projet. "Mais qu'est ce qu'ils ont branlé ?" se demandera le pékin en sortant effaré de sa séance de BVS. Cette première tentative foireuse du DCU sur grand écran soulèvera des questions, à commencer par le choix du type aux commandes du projet. Le futur sombre présenté dans les visions de Batman est-il une métaphore cynique du futur univers cinématographique DC au cinéma ? Zack Snyder est-il le Superman tyrannique que la Justice League devra abattre ? En tout cas, Zack Snyder semble confirmer avec ce film qu'il n'est qu'un réalisateur de clips amélioré. Il semble doué d'un certain sens de la mise en scène et de la composition de plans, mais a besoin d'auteurs bien moins crétins que lui pour faire de bon films. Parce qu'un film, c'est aussi (surtout ?) une histoire. Il n'y a qu'à voir son minable Sucker Punch pour s'en convaincre. Son excellent Watchmen était-il uniquement dû à la qualité de l'oeuvre originale ? Man of Steel a-t-il tenu la route grâce aux restes de la présence de Nolan ? Seul l'avenir nous le dira.

Spaceviking
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le 31 mars 2016

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