Trois ans après le réussi Man Of Steel, son réalisateur Zack Snyder continue d’explorer les héros de DC Comics avec Batman vs Superman : L’Aube de la justice (Batman v Superman: Dawn of Justice). Suite directe de Man of Steel, Batman vs Superman décrit les conséquences de la bataille de Métropolis opposant Superman et le général Zod qui a fait de nombreuses victimes, dont des proches de Bruce Wayne/Batman. Ce dernier, ivre de vengeance, voit aussi en Superman une menace de destruction pour l’humanité qu’il faut éliminer au plus vite. La confrontation entre les deux super-héros est proche !
Dès le prologue, on sait que le ton du film sera sans concession et radicalement différent des productions Marvel. Sans chercher à opposer les œuvres DC et Marvel, on peut en souligner les différences tant elles sautent aux yeux ici. Plus que dans Man of steel, l’arrivée du chevalier noir et le contexte difficile pour Superman plongent le film dans une ambiance sombre et lugubre à souhait à mille lieux des divertissements enjoués et colorés des films Marvel. Batman vs Superman donne clairement dans le premier degré et ça ne plaisante pas. C’est d’ailleurs ce que certains spectateurs, biberonnés aux inoffensifs et colorés Avengers, lui reprochent : son trop grand sérieux et son manque d’humour. Pourtant, le premier degré affiché par Snyder marque son ambition de ne pas considérer son film comme un simple blockbuster de super-héros aussitôt vu aussitôt oublié. Le réalisateur de Watchmen y croit et veut que le spectateur y croit à son tour.
Si Batman, campé sobrement par Ben Affleck, est de fait un personnage sombre, secret et torturé, Superman est pour beaucoup son exacte opposé. Difficile d’effacer l’inoubliable prestation de Christopher Reeve qui incarnait en 1978 un Superman souriant et solaire. Snyder décide d’occulter cette figure traditionnelle de Superman inscrite dans l’imaginaire collectif depuis des décennies. Dans Batman vs Superman, l’ange de Metropolis, toujours interprété par Henry Cavill, est isolé et incompris du reste du monde à cause de sa toute-puissance. L’enfer c’est les autres et Superman va l’apprendre à ses dépends Il est perçu comme l’extraterrestre qui n’apporte avec lui que malheur et désolation. Au final, les personnalités antagonistes de Batman et Superman finissent même par se ressembler, comme s’ils étaient chacun les deux faces d’une même pièce.
Autre changement notoire, le traitement réservé à Alfred. Autrefois majordome et confident, Alfred devient un coéquipier à part entière de Batman. Incarné par l’excellent Jeremy Irons, Alfred n’est plus seulement le faire-valoir vieillissant qui s’occupe de repasser les chemises de Bruce Wayne le milliardaire. Dorénavant, il participe activement aux missions de Batman en le conseillant et l’informant à distance des éventuels menaces ou dangers présents sur le terrain, s’autorisant même quelques réflexions piquantes à l’intention de Bruce Wayne sur son éternel célibat. Ce lifting complet du personnage d’Alfred est une excellente surprise que l’on n’attendait pas.
Autre entrée en scène remarquée, celle de Diana Prince alias Wonder Woman jouée par Gal Gadot aussi à l’aise en robe de soirée qu’en habit de guerrière amazone armée de ses célèbres bouclier, glaive et lasso. L’actrice que l’on a pu voir dans les quatre derniers Fast & Furious, endosse à merveille le rôle de la super-héroïne et réussit sans peine à succéder à Lynda Carter, la Wonder Woman de la série éponyme des années 70. C’est par l’introduction de Wonder Woman que s’opère l’ouverture vers l’univers de la Ligue des Justiciers (Justice League), le pendant des Avengers de Marvel pour l’écurie DC Comics. Si Batman doit s’entrainer très dur physiquement pour affronter Superman, il n’en reste pas moins un excellent détective. Il va très vite découvrir l’existence de la double vie de Diana Prince et son passé mystérieux symbolisé par une étrange photo en noir et blanc datée du début du 20ème siècle où elle apparait en habit d’amazone au milieu d’une poignée de soldats de l’époque.
Diana découvre a son tour que Batman est déjà sur la piste de mystérieux surhommes comme Aquaman, Flash et Cyborg, les futurs recrues de la ligue des Justiciers. Leur identité propre n’est jamais révélée mais chacun a droit à ses quelques secondes de gloire dans le film. C’est peu mais suffisant pour permettre à Snyder le réalisateur de poser solidement les bases du DCU (DC Cinematic Universe) et entrer en cohérence avec le sous-titre de son film : « l’Aube de la Justice ».
Même le personnage de Lex Luthor, campé par Jesse Eisenberg, plus jeune et formellement assez différent du Luthor de comics ou de la série animée de Superman TAS des années 90, fait des merveilles dans ce Batman vs Superman. Snyder nous présente ici un Lex Luthor psychopathe complètement mégalomane prêt à toutes les folies pour satisfaire sa haine exterminatrice contre les « faux-dieux » Batman et Superman. Certaines séquences comme celle brutale et soudaine du tribunal peut heurter le spectateur tant elle fait écho aux événements actuels liés au terrorisme djihadiste.
Pour ce qui est de l’action, Snyder sait y faire. Le réalisateur de 300 et de Sucker Punch multiplie les plans iconiques magnifiant nos super-héros tels des dieux mythologiques. Le dernier tiers du film, gigantesque affrontement entre Batman, Superman et Wonder Woman alliés contre Doomsday, est un véritable maelstrom du bruit et de fureur, une claque visuelle sans précédent qui consacre définitivement le génie visuel de l’esthète Zack Snyder. Ce dernier enverrait presque au cimetière les deux vétérans du blockbuster, Michael Bay (Transformers) et Roland Emmerich (Independence Day). Après une telle démonstration, on croise les doigts pour que Snyder, victime de critiques assassines – il existe même une pétition de fans qui milite pour qu’il ne réalise pas Justice League – puisse continuer à diriger le projet comme il l’entend. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
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