Dans cette comédie signée Henri Decoin avec Danielle Darrieux (sa femme à l'époque), il y a autant de cette France juste avant la Seconde Guerre mondiale, en quête de légèreté, que d'Amérique à travers les caractéristiques de la comédie nationale on ne peut plus classiques, importées par le couple après un séjour auprès de grands réalisateurs américains aux États-Unis. Même si le film semble décousu dans les grandes largeurs, la comédie romantique tourne à plein régime du début à la fin — et ce malgré un happy end un brin forcé.


Peut-être que la caméra a un peu trop tendance à n'avoir d'yeux que pour Darrieux : sa prédominance à l'écran se fait très clairement au détriment d'un cortège de personnages secondaires qu'on aurait aimé voir davantage développés, à l'image du pleutre Julien Carette qui n'en finit par de courber l'échine ou de l'imposant Saturnin Fabre qui aurait pu alimenter l'arc narratif ayant trait à l'école des voleurs de manière beaucoup plus soutenue. Mais ce serait bouder son plaisir que de passer à côté de la légèreté de cette comédie presque entièrement initiée par des malentendus (presque screwball, donc) apparaissant dans des situations farfelues ou extravagantes — dans la grande tradition de la comédie américaine, encore une fois, à son âge d'or. Sans aller jusqu'à comparer Battement de cœur avec des monuments comme Trouble in Paradise et Danielle Darrieux avec Miriam Hopkins, Margaret Sullavan et autres Katharine Hepburn, il y a une bonne part de bouffonnerie appréciable et de gaieté débridée chez Decoin.


Darrieux y est pour beaucoup, dans l'ironie mélancolique qu'elle exprime régulièrement entre deux grosses frasques (on se souviendra longtemps du "Ben non !" balancé en plein mariage blanc auquel on la contraint). La technique est bien huilée à l'aide d'une mise en scène alerte sans grands et beaux effets de style (pour le dire autrement, on n'est pas chez Ophüls), avec des dialogues fins qui fusent dans tous les sens. Il s'en dégage au-delà de ces considérations un parallèle étonnant entre les frasques des bas-fonds qui institutionnalisent le métier de pickpocket et la duperie des hautes sphères aristocratiques, avec des contrastes forts (de l'argot qui claque en dîners mondains avec de grands sifflements), deux univers entre lesquels la protagoniste oscillera jusqu'au dénouement.


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Morrinson
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le 12 févr. 2021

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Morrinson

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