Hunger Games n'a rien inventé !
Pour les fans de l’œuvre de Suzanne Collins, sachez qu’elle n’a rien inventé avec Hunger Games. En tout cas en ce qui concerne de voir une bande d’adolescents participer à une mise à mort (via une épreuve de survie) qui va servir de divertissement aux premiers intéressés. C’est-à-dire nous : spectateurs avides de sensations fortes au point que nous avons besoin de regarder pour nous procurer une certaine adrénaline, un besoin qu’il nous faut pour nous éloigner de la dure réalité de la vie. J’en fais trop ? Alors à votre avis, pourquoi aimons-nous les films d’horreur où les gens se font hacher menu (référence à la saga Saw) ? Ces films d’action où des personnes tombent comme des mouches ? Pour nous divertir avec de la violence ! Un postulat auquel s’était déjà aventuré Kōshun Takami, auteur japonais qui voit son livre à succès (paru en 1999) adapté en manga et en film. Et c’est de ce dernier que nous allons parler.
Faut-il voir Battle Royale comme un simple film de tripailles (interdit aux moins de 16 ans, quand même !) ? Non, mais plutôt comme un récit d’anticipation. Une histoire qui nous compte une époque pas si éloignée de ça où l’enfance prend le pas sur les adultes en usant de la violence (allant jusqu’au meurtre) pour s’assumer et se faire remarquer. En gros, de prendre leur vie en mains plus tôt que prévu. Et c’est pour cette raison qu’est organisé Battle Royale : un « jeu » où des étudiants sont choisis pour s’entretuer pendant trois jours, isolés sur une île. Et obligés de le faire, sous peine de se voir « égorger » par le collier spécial que tous portent. Trois jours au bout desquels il ne doit rester qu’un seul survivant (sur la quarantaine initiale) qui pourra alors rentrer chez lui. Que ce soient les élèves, le gagnant d’il y a trois ans ou bien le volontaire présent pour « s’amuser », tous devront user d’armes mortelles et de stratégies calculées pour s’en sortir. Tout en mettant de côté les relations qui les unies.
Quand je vous dis qu’Hunger Games n’a rien inventé ! Déjà là, on pouvait assister à une mise à mort sans tabou de jeunes adolescents où tous ne sont pas épargnés par les horreurs du jeu : égorgements dus au collier, participants mitraillés, certains qui pensent même à violer avant de tuer… Battle Royale va vraiment encore plus loin que ce proposera plus tard Hunger Games ! Il permet également d’offrir à ces jeunes personnages une toute autre dimension. Celle de leur entrée dans le monde adulte. Car si Battle Royale n’est qu’un jeu, les étudiants vont pourtant se retrouver livrer à eux-mêmes. À faire leurs choix. Créer des relations (sous forme d’alliance) afin d’essayer de s’en sortir autre que par le meurtre. À se poser des questions sur ce qu’est l’amour, l’existence. Même de jeter un regard sur la société et de se demander comment ils (tout le monde) ont pu en arriver à un tel point. Bref, les personnages ont beau être jeune de part leur physique et leur âge, ils se montrent pourtant comme des adultes qui doivent définir leur chemin dans la vie. Ce n’est pas anecdotique que l’organisateur dise : « C’est la vie, elle-même, qui est en jeu ».
Après, il est dommage de voir que Battle Royale ne pousse pas le bouchon encore plus loin que le postulat d’origine. En évitant déjà les nombreux flash-backs du livre qui permettent d’en savoir plus sur les personnages et les liens qui les unissaient avant ce massacre. Il y en a quelques uns dans ce film, mais pas assez pour rendre la plupart des protagonistes attachants. Du coup, Battle Royale ne devient qu’un divertissement, ni plus ni moins, qui use de la mise à mort comme seul spectacle. Même le côté « jeu de survie servant d’amusement à la télévision » n’est pas retranscrit durant toute la durée du film. Juste par le biais d’une explication vidéo animée comme pour une émission pour enfants.
Sans compter qu’il s’agit là d’un film japonais, qui dévoile bon nombre de détails qui peuvent nous sembler farfelus au possible. À commencer par un second degré inattendu qui se permet de faire relever un personnage pourtant mort, de faire crier toutes sortes de formules mathématiques à un intello qui veut survivre pour aller à la fac, de certains objets donnés en tant qu’armes (une paire de jumelles, un mégaphone, un éventail...) et de certaines mises à mort ridicules. Sans compter qu’à l’écran, tout semble surfait. Aussi bien les effets spéciaux (les décors rajoutés se voient) que la musique (elle pousse bien trop à l’émotion sans jamais toucher) et l’interprétation des acteurs (les relations et répliques en deviennent grotesques).
Au final, Battle Royale, sur un postulat cruellement intelligent, ne garde que le côté divertissement et ne décolle jamais, sauf pour amuser la galerie. Le film aurait été bien meilleur sans son humour clownesque et son manque d’envergure pour ce qui est de la crédibilité de ce qu’il veut montrer. Du coup, on regarde Battle Royale, on rigole, on suit l’ensemble sans déplaisir, mais on oublie assez vite tout ça. Bref, ambitieux mais pas marquant pour un sou !