Avec un brin de provoc je dirais même que Scorsese a bien pompé sur Kudô pour ses films de gangsters ! Le narrateur en voix-off, la photographie, les bagnoles des années 1970, la splendide BO Blues et R&B, l'histoire des trois amis qui finiront par se déchirer, le type enterré vivant et terminé à coup de pelles, la drogue, la déchéance d'un voyou hirsute... Impossible que l'Américain ne s'en soit pas inspiré tant les similitudes sont frappantes.
En 1979, Kudô qui n'a plus rien tourné depuis cinq ans, se voit chargé de ressusciter un titre légendaire (Combat sans code d'honneur, huit épisodes au compteur, tous signés par Kinji Fukasaku). La Tôei lui adjoint deux de ses meilleurs scénaristes, Hiroo Matsuda et Fumio Kannami, aguerris aux films de voyous, mais aussi un casting bien rajeuni avec des jeunes premiers pour interpréter les trois principaux protagonistes, et quelques gueules plus connues pour jouer les capitaines yakuzas (Hiroki Matsukata et Mikio Narita), le rôle du boss fourbe et pleurnichard échouant une fois de plus à Nobuo Kaneko qui semble taillé pour le costume.
Du côté narratif, on n'est plus vraiment dans le cadre de la série de Fukasaku, qui couvrait le conflit d'Hiroshima dans l'après-guerre jusqu'aux années 1960. Ici, il s'agirait plutôt de la génération suivante, dont l'organisation est déjà bien implantée entre Ôsaka et le nord du Kyûshû (on pense au Yamaguchi-gumi sans jamais le nommer). La loyauté des boss qui composent ce groupe tentaculaire ne résistera pas à la vacance du pouvoir, même si ici on s'intéresse moins aux patrons mais plutôt aux exécutants et à leurs déboires. C'est presque dénonciateur des conditions d'exploitation des rangs inférieurs et intermédiaires, corvéables à merci et utilisés comme de la chair à canon. On est en 1979, c'est la fin d'une décennie particulièrement rebelle et socialisante au Japon. C'est palpable ici.
Assez peu aimé à sa sortie (peut-être trop différent de la série et du style de Fukasaku, ou alors simplement passé de mode), cet Aftermath se regarde aujourd'hui comme un classique du genre d'autant que la qualité d'image du blu-ray lui rend parfaitement justice. Moins connu que Les Treize tueurs ou Le Grand Attentat, c'est pourtant bel et bien le chef d'œuvre d'Eiichi Kudô.