In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Chiancti... Amène ton oreiller.
Avant d'être la biographie romancée par Hollyxood de Thomas Becket, archevêque de Canterbury de 1162 à 1170 et opposant au fervent laïque qu'était le roi d'Angleterre Henri II quant à la question des privilèges de l'église, le film de Peter Glenville est l'adaptation de la pièce éponyme de Jean Anouilh de 1959 qui racontait les affres amoureuses et houleuses du roi et du futur l'archevêque. Comme son titre complet l'indique (Becket ou l'Honneur de Dieu) Becket est un homme qui, alors qu'il n'était jusque là qu'un coureur de jupon passablement dévergondé malgré son érudition, trouve dans sa nouvelle mission (devenir archevêque de Canterbury, donc plus ou moins représentant du pape en Angleterre) honneur et responsabilité, soit deux qualités qui manquaient à son bonheur et sa plénitude. Mazette! Malgré l'affection qu'il lui porte, le roi Henri II, qui considérait la religion comme le frein à son règne et ses rêves d'expansion et pensait s'être mis le Vatican dans la poche en assignant son ami Becket à Canterbury, se sent floué. Une rupture s'est faite, une cassure non repérable qui va séparer les deux amis si complices et si proches d'autrefois. Insidieusement les relations vont se tendre, conduisant le mitré en exil français et le couronné en perfidie.
Pas de doute, la pièce de Anouilh doit être excellente. L'opposition de style entre les deux personnages et la tension homosexuelle qui cimente leur relation doivent vraiment valoir la lecture. C'est sacrément osé. Même si les faits racontés sont réels et historiquement véridiques, l'important est évidemment ailleurs. Elle est dans l'évocation de deux hommes désespérément seuls qui, tant qu'ils restaient ensembles, ne s'en rendaient pas compte mais qui, dés lors le "mariage" consumé se mangent la terrible vérité dans la poire. Leur frustration à partir de là est tant sexuelle qu'intellectuelle. Les deux amis ne vivent que pour se revoir mais leur inflexibilité les sépare. C'est une tragédie.
Hélas le film n'est pas à la hauteur du propos. La mise en scène pompière de Glenville écrase littéralement l'intrigue amoureuse et politique et ses personnages étouffent. La classicisme a du bon, je le défendrais toujours. Et on a tort de penser que c'est le choix de la facilité. Parfois elle s'avère raté. Ça ne tient qu'à peu de chose. La preuve en est ce film, pour le côté raté, et l'excellent A Man for All Seasons de Zinnemann pour le côté réussi. Voilà c'est dommage que le scénario ne soit pas tomber dans des mains moins lourdes. Parce que les deux interprètes principaux ne sont pas mal du tout même si on les a connu, l'un et l'autre (surtout Burton qui était un vrai crack de l'interprétation habitée), plus inspirés.