Richard Burton canonisé en "Becket".

Thomas Becket, compagnon de farces minables du roi Henri II, est un Saxon qui a pactisé avec l'occupant Normand qui n'espère qu'être un allié fidèle de bons conseils au Roi dans sa lutte continuelle face au clergé. Le roi Henri, qui ne cesse de fomenter de nouveaux desseins pour parvenir à manipuler l'Église, nomme, à plusieurs tours, Becket comme chancelier puis le sacre
archevêque de Cantorbéry à la mort de son prédécesseur. Face à un crime odieux sur un curé par un des sujets de sa majesté, Becket est pénétré des devoirs de sa charge et devient ainsi le plus farouche adversaire de son ancien ami. Le roi fou de rage, tente malgré lui de se réconcilier avec celui-ci, puis, dans un moment de folie, le fait assassiner tragiquement par quatre barrons. Saisi par les remords, il part faire pénitence et proclame la sainteté de Becket.

Adapté de l'oeuvre de Jean Anouilh que Peter Glenville avait déjà montée au théâtre à Londres et à New York, Becket est un film grandiose. Car parmi les héros et les martyrs du Moyen Age, Becket n'en est pas un. On ne sait pas très bien ce qu'il est. Il ne s'intéresse à rien. Il n'aime rien. Ni personne, ni aucune cause. Sa trame -- est celle d'une solitude. Tout au long du film, on s'aperçoit qu'hormis un moine agité et un évêque, Becket ne parle à personne. Il n'a aucun ami. Il n'existe presque aucun rôle secondaire, les femmes sont isolées au second plan. Pourquoi? Parce que Becket es seul. On ne sait pas si il aime les femmes, ou les hommes, puisqu'il n'aime rien. Et subitement, interprété par l'acteur shakespearien Richard Burton qui lui donne un souffle épique, Becket a trouvé son idéal: il va s'emparer d'une bavure contre un paroissien dans une quête personnelle à la recherche de la bénédiction spirituelle jusqu'au drame. Ce qui est assez remarquable dans ce film, c'est la prise de conscience subite par Becket pour défendre non seulement quelqu'un d'autre, mais surtout un homme qu'il n'avait jamais vu -- il défend un homme qu'il n'a pas connu! C'est l'accomplissement du devoir qui l'emporte. C'est fort.

Le scénario qui parcoure à la fois, littérature, histoire, légende et poésie, illustre parfaitement la grande trame d'un héros mort pour une cause perdue qui débute d'ailleurs par une scène sur sa sépulture, suivi d'un flashback continu jusqu'à son dénouement devant la grande foule du peuple. Becket, c'est avant tout un grand jeu d'acteur, avec mon acteur préféré: Richard Burton. C'est un des grands acteurs les plus hardis et des plus doués que le théâtre ait produits. Je ne crois pas qu'il existe un meilleur acteur que lui. Car tout au long du film, c'est lui qui survole les autres. On le voit bien, Peter O'Toole a beau hurler de sa voix stentor -- rien n'y fait, Burton est plus fort. C'est lui qui assure tous les dialogues, on n'a presque pas besoin de musique et de beaux décors parce que c'est l'histoire qui compte, et l'histoire, est merveilleusement bien racontée. Il y'a une authenticité dans la structure de la société: un roi complètement fou et facétieux, un clergé avare et séditieux, des barrons brutaux et belliqueux, tous les archétypes de la société médiévale y sont représentés avec justesse.

Le film qui eut douze nominations aux Oscars (dont celles du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleurs acteurs), remporta celui du meilleur scénario écrit part Edward Anhalt; peut se féliciter de la performance de Richard Burton car sans lui, je pense que tout échoue. C'est précisément parce que son rôle est dur qu'il est bon. C'est dès lors qu'il devient archevêque qu'il trouve un sens à son existence. Les prières latines, les vêpres, les prédications lors de son procès, et puis bien sûr la scène finale où il assure la scène avant sa fin tragique, probablement la plus marquante du film. Lui qui n'aimait jamais rien, trouve son salut dans la mort. Il est déterminé à prendre en main une cause hostile au Roi et c'est lorsque tout le monde se dressa contre lui, qu'il montre sa vraie valeur. Parce qu'en réalité, le clergé n'a pas soutenu Becket. Les barrons ainsi que les ecclésiastiques s'envenimèrent dans la corruption, Henri va même jusqu'à humilier, attaquer son ancien fidèle allié, tenta de lui enlever son archidiaconat de Cantorbéry, l'affaire remonte jusqu'à Rome devant le Pape, tout ça parce qu'un chevalier jugé trop violent ait été excommunié par Becket alors un proche du Roi Henri II. Le Roi se déroge à la justice face à un abus flagrant (meurtre et viol présumé). C'est ça qui est formidable, c'est d'avoir réussit à rendre une histoire de 2h28 min sur un curé et en avoir fait un héros.

Sans aucun doute, Becket est un film qui nous a saisis avec émotion grâce à une production superbe.