Daylight come and me wanna go home
Regarder ce film, c'est plonger dans l'univers d'un artiste inventif et libre. Bienvenue dans l'univers de Tim Burton, à l'époque où il ne se caricaturait pas lui-même (voir un grand artiste en être réduit à s'auto-plagier, soit parce qu'il a peur de sortir de son univers, soit parce qu'il manque d'imagination, est très triste).
Beetlejuice, c'est le film qui a fait découvrir au grand public le monde de Tim Burton (après quelques courts métrages forcément plus confidentiels, même s'ils sont cultes de nos jours, et après un Pee-Wee agréable mais pas très personnel). Un univers où la frontière entre les morts et les vivants a été abolie. Un univers gothique délirant. Un univers de films d'horreur tout public. Un univers qui rend hommage à la monstruosité, aux difformités diverses et variées, à tout ce qui est marginal, exclu, rejeté par la normalité.
Et comment peut-on être plus exclu qu'en étant mort ? C'est ce qui arrive à Adam et Barbara, morts dans un accident de voiture et obligés de hanter leur maison. Et qui a dit que la vie de fantôme était facile ? Même si on suit le Manuel pour personnes récemment décédées, on peut éprouver quelques difficultés. Surtout quand une famille comme les Deetz décide d'emménager.
Lui est un homme d'affaires qui veut se reposer de son travail harassant mais qui a toujours une idée commerciale au coin de la tête. Elle est une sculptrice auto-proclamée, parodie de l'artiste intello "vous ne me comprenez pas mais c'est normal je suis supérieure à vous". Ils débarquent avec le décorateur Otho, qui vit dans le même monde que Madame Deetz, et leur adolescente gothique (très belle Winona Ryder... vous ai-je dit que j'avais un faible pour les gothiques ?).
Les tentatives infructueuses de notre couple de fantômes pour chasser les vivants sont souvent très drôles, et permettent à Burton de faire une incursion dans l'horreur, un hommage à ses films de références, mais sans avoir vraiment la volonté de faire fuir son public le plus sensible ; l'humour permet donc de désamorcer le sanglant. D'autant plus que les trucages ne visent pas le réalisme, ni même l'impressionnant. Ces effets spéciaux artisanaux ont surtout pour but de servir l'imaginaire de Burton, de lui permettre de planter son monde, son décor. Le film n'est pas fait pour des trucages, ce sont les trucages qui sont faits pour la vision artistique.
Betelgeuse est le sommet de ce monde ; ses apparitions constituent le point d'orgue du film. Mais ce n'est pas le personnage principal, loin de là. En durée, il apparaît assez peu dans le film. Et il est assez contrasté : ce n'est pas un héros, ce n'est même pas un gentil, il est désagréable, dangereux, vicieux, obsédé, mais aussi réjouissant, car délirant et imprévisible.
Ce film est rempli de références. L'univers des morts ressemble énormément à une parodie de l'univers des vivants ; que dire, en effet, de cette bureaucratie mortuaire ?
Les citations filmiques se multiplient. La plus évidente : la demeure de nos fantômes ne vous rappelle-t-elle pas un certain motel Bates ?
L'interprétation est excellente. Le film est un véritable bonheur, un plaisir de chaque instant. Le délire d'un cinéaste en roue libre (que l'on peut remercier d'avoir remis à jour une très belle chanson de Harry Belafonte) qui, à l'époque, avait de l'imagination et du courage.