Avant l'aube, tout est possible
"Les gens ont besoin de se faire des idées romanesques sans rapport avec la réalité".
Dixit Jesse, à propos de la grand-mère de Céline qui aurait soit disant passé toute sa vie avec un homme, tout en en aimant un autre. Selon lui, elle aurait forcément finit par être déçue du premier. Mais en ne l'ayant jamais vécu, le souvenir reste beau et elle garde au fond d'elle cet espoir que quelque part, l'amour est possible.
C'est ça pour moi, Before Sunrise.
Une espère de parenthèse hors du temps, une petite bulle idéale créée par deux inconnus qui se sépareront en gardant toujours en tête cette idée d'avoir connu la véritable personne, la bonne. Comme la lumière d'un phare, ils avanceront dans leurs vies avec cet espoir d'un ailleurs meilleur et de cette autre personne qui peut être les attends encore. Mais sans jamais oser franchir le pas, de peur de s'apercevoir de l'illusion et d'anéantir leur rêve.
D'ailleurs, chacun de son côté a besoin d'y croire : elle avec ses relations amoureuses tumultueuses et lui de par son échec sentimental récent. Ce n'est pas un hasard si tous deux refusent de garder le contact par téléphone, ni l'un ni l'autre ne supporterait en fait de voir leur relation s'essouffler avec la distance ou être dénaturée par quelque événement que ce soit.
Ce qui a été vécu à Vienne, doit rester intact.
Et pour que cet étrange duo fonctionne et que les instants passés ensemble soient tout à fait parfaits, il ne manque rien. Les aveux, les anecdotes, les échanges passionnés, le contraste des lieux traversés : on passe par toute une palette d'émotions en seulement quelques heures, allant de la nostalgie à l'euphorie (du cimetière à la fête foraine), comme une relation amoureuse vécue en accéléré. On sent bien là tout l'espoir d'un début de passion, avec encore ce petit plus ajouté par le fait que tous deux gardent sans arrêt à l'esprit que la séparation est imminente.
Et on y croit tellement !
Le jeu de Julie Delpy et Ethan Hawke est parfait, comme s'ils étaient nés pour ces rôles. Leurs dialogues me semblent tellement réalistes, naturels, spontanés... Je n'ai pas eu cette impression largement partagée que le réalisateur cherchait à leur donner une quelconque prétention philosophique : tout le monde peut s'y retrouver ! A la fois légères et profondes, il s'agit simplement de conversations entre deux personnes qui ont une journée à passer ensemble et qui se livrent l'une à l'autre à cœur ouvert, encore encouragées par l'inconnu et le côté éphémère de la situation.
La réalisation passe donc au second plan pour laisser encore plus de place à ces fameuses conversations ainsi qu'à leurs protagonistes, et la magie opère : on y est, avec eux ou même à leur place c'est selon.
En fait Before Sunrise, c'est un peu comme une poésie : simple, mais pleine de charme. On entend les mots que les acteurs s'échangent, mais on ressent tellement plus. Et puisque la réalisation est sobre, cela laisse encore plus de place aux évocations; pour que celles-ci accèdent directement à notre imaginaire et nos sens.
Il suffit alors d'être réceptif et de se laisser transporter...