Ich bin Deutschland !
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le 13 août 2020
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Alfred Döblin crée une référence, presque biblique dans le mythe d’une cité, où s’entrechoquent les espoirs et les descentes aux enfers. La misère sociale porte son récit, qui aura connu deux adaptations avant celle de Burhan Qurbani, qui réactualise le milieu, en plus de son point de départ. Une ouverture au parfum d’immigration fait échouer un Guinéen sur une place où les départs et les arrivés sont fréquents. En suivant la ligne directrices des cinq derniers « livres » du roman, ce héros en exil, ne gagnera jamais assez pour compenser ses pertes. Rien n’est caché, tout est dévoilé d’entrée. Ce sera donc dans sa lutte permanente, que l’on suivra un homme en manque de repères et d’affection. Mais ce sera surtout l’occasion de découvrir les caniveaux d’un Berlin crasseux et d’un Berlin dépossédé de sa vitalité.
Tout ce qui vampirise l’âme de Francis, ou encore Franz (Welket Bungué), c’est bien sûr la volonté de réussir. Le cinéaste prend alors mot pour mot cet aspect convoité, au gré de l’argent sale et d’amantes, toutes aussi victimes de leur condition. Pourtant, nous ne sommes plus dans les années 20, nous nous retrouvons un siècle plus tard, où les enjeux se répètent. C’est à la fois un atout pour sa narration universelle, mais l’exécution peut nous sembler redondante, sachant que les décors ne débordent jamais. Des logements sociaux aux boîtes de nuits, il y aura finalement peu de variation dans cette façon de raconter. Il s’agit d’un scénario soumis à sa propre gravité et ne prend pas le risque de saboter ses promesses. L’approche se veut davantage sensorielle, comme s’il s’agissait d’une extension à la lecture du roman. Cela ne veut pas dire que c’est réussi à tous les niveaux, mais il soulage cependant la conscience de ceux qui errent encore dans les rues et entre les petits boulots, tantôt sans avenirs, tantôt criminels.
Les bons sentiments sont aux côtés du côté de Franz, très maladroit et qui possèdent bien d’autres défauts, le rendant attachant. Et c’est toute une panoplie de personnages qui se greffent à son parcours, qui n’a rien d’une promenade de santé. Entre le désir de plaire et ses ambitions du petit gars de la rue, il est constamment dupé par Reinhold (Albrecht Schuch) et ses magouilles, toutes plus tordues les unes que les autres. Mais ce visage ne signifie pas qu’il sera le gardien éternel de sa vie, déjà misérable et qui ne demande qu’à trouver un peu plus de calme et de stabilité. Mieze (Jella Haase) sera donc à la fois cette escorte, consciente que sa fantaisie ne la sauvera pas, qui croisera la route d’un Franz, amoché par sa propre raison. Elle, comme bien d’autres, le chérissent. Mais avant même qu’il ne profite de cette honnêteté qu’il convoite, il se laisse dériver, par la force de la tragédie, qui l’accompagne au quotidien et peut-être pour le reste de sa vie.
Comme son auteur le laisse penser, « Berlin Alexanderplatz » est une œuvre qui s’écoute plus qu’il ne se lit ou ne se regarde. C’est ce qu’a réussi à capter Qurbani, dans une mise en scène venimeuse et qui traîne juste assez les pattes pour rendre compte d’un germe maléfique, qui a pris place à Berlin. Le racisme et un profond sentiment de jalousie freinent les envolées des personnages, qui se débattent plus qu’ils ne parviennent à garder la tête haute dans la mêlée. Et si chaque chapitre ne convainc pas entièrement dans ses manœuvres moralisatrices, nous culpabiliserons moins en laissant de nouveau la texture et les couleurs s’exprimer.
Créée
le 1 août 2021
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