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Ce documentaire de 70 mn est passionnant et permet d’en savoir un peu plus sur un homme qui s’est toujours caché derrière ses personnages pendant 50 ans, Bernard Blier. Loin d’être un simple admirable « 2nd rôle comique français », Blier était un des plus grands comédiens de sa génération, les 2 interlocuteurs filmés pour l’occasion sont d’accord sur ce point à commencer par Fabrice Luchini (très éclairant quand il cite Jouvet et la photo rare qu’il possède de Jouvet en coulisses sur l’épaule duquel s’est assoupi Bernard !) et son fils, Bertrand Blier. Mais les interviews plus anciennes d’Audiard, Pierre Richard ou Clouzot confirment le fait qu’on aurait tort de résumer Blier à ses rôles comiques. Il suffit de se rappeler sa participation à « Quai des Orfèvres » ou 32 ans plus tard à « Buffet Froid » réalisé par son fils. Il était capable de passer d’un rôle comique à un rôle grave en restant absolument le même. Il a été formé à l’école du théâtre classique, Molière en particulier, par son maître Louis Jouvet, autant exigeant qu’inspirant et dont toute sa vie, il gardera les préceptes : ne pas jouer le texte (au risque de le surjouer et d’être ridicule), se contenter de le dire avec la plus grande justesse et précision (la diction encore et toujours). Et à force de se le répéter, l’émotion finit par apparaître. Même principe à appliquer lorsqu’il jouait du Audiard qui disait de lui qu’il était le comédien avec qui il préférait travailler et à qui il a même « piqué » des mots ou des répliques pour les utiliser dans ses dialogues ! « Entre amis, c’est pas du vol » nous dit Audiard le sourire aux lèvres.

Si ses films des années 50 n’ont pas marqué les mémoires, c’est avec « Les Misérables » en 57 dans le rôle de Javert qu’il devient une énorme vedette, celle sur laquelle on peut bâtir un film. Et s’il enchaîne les comédies à succès dans les années 60 (« Les Tontons Flingueurs », 3 millions d’entrées quand même, ou encore les films avec De Funès « Le Grand Restaurant », « Jo »), avec les années 70, il se tourne de plus en plus vers des acteurs-réalisateurs plus jeunes et iconoclastes, qui ont bouleversé la comédie à la française en y incorporant une bonne dose de critique sociale : Jean Yanne et Pierre Richard (« Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » et « Le Distrait » par exemple). Blier dit à ce propos que si ces films n’avaient pas eu un ton volontairement comique, ils auraient été très sombres et grinçants. Sa dernière apparition aux Césars en 1989, 3 semaines avant sa mort, était terriblement triste (sa famille ne voulait pas qu’il y aille tellement il était faible, « mais allez donc dire non à un grand acteur comme lui » nous dit son fils). Ce documentaire permet de lever le voile sur des aspects moins connus de sa vie comme son incarcération pendant la 2nde guerre dans le monstrueux Stalag 17 dont il a réussi à s’évader en prenant les papiers d’un mort, nous évoque-t-il, pudique. Un père qui pouvait être en privé facilement colérique voire violent reconnaît Bertrand, « ça n’est pas évident du tout d’être le fils d’un grand acteur ». Il reste un comédien populaire, 35 ans après sa mort, dans le sens le plus noble du terme, qui n’a pas tourné que des chefs d’œuvre (il le disait avec lucidité) mais qui a toujours cherché à être un artisan comme un menuisier ou un bijoutier, au service des mots de l’auteur et des directives du réalisateur. Chapeau.

JOE-ROBERTS
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le 24 nov. 2024

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