Très beau muet, un des derniers de Capra, manifestement contrôlant à merveille son sujet et son mutique medium.

La mise en scène est excellente et certaines scènes atteignent au sublime, grâce à l'enchainement minutieux des séquences, l'écriture scénaristique précise et contenant cependant ces petits temps enchanteurs où l'humain prévaut, ces petites scènes ou instants de scènes quand le train commun se détache et sort des rails de l'ordinaire pour gambader dans les prés, libre. Je pense évidemment à ces regards qui en disent si longs, ces sourires de Bessie Love quand elle lance vers son père des yeux d'amour et d'indulgence, quand elle réalise qu'elle est amoureuse.
Ou bien son père, joué par un grandiose Lionel Belmore, dramaturge découvrant avec horreur le public se gaussant cruellement de son spectacle, se levant doucement, tout doucement, les mains cherchant appui, perdues, pour se lever dignement et partir, une scène d'une humanité toute simple, toute bête et pour cela d'une puissance incroyable.
Que dire des retrouvailles de la fille et du père, une scène qui respire tellement l'amour qu'elle en est presque suffocante, combien d'efforts à fournir pour ne pas écraser une larmichette.

Etrange Capra qui pour une comédie burlesque, une sorte de schpountzerie collective (un producteur et un acteur-vedette de Broadway engagent une troupe de piètres et naïfs comédiens pour transformer leur drame en une farce burlesque), s'en donnant à coeur joie pour fustiger l'esprit snobinard de la capitale artistique propose au sein même de sa comédie romantique quelques plans où l'émotion jaillit au point de brouiller la vue. Sans crier gare, une actrice et son père tirent la sonnette d'à larmes.

Et toujours dans un drapé d'excellence technique, le cinéaste fait montre de maîtrise dans la photographie, dans les cadrages, les enchaînements des scènes, le rythme déjà tonique.

Bref, un petit bijou, plein de chaleur, de drôlerie et doté d'une Bessie Love follement moderne, archétype de la femme dynamique, pleine d'allant et de douceur, joyeuse, intelligente, au charme irrésistible, une Paulette Goddard avant l'heure.

En parlant de modernité, il faut noter l'incroyable (j'avoue mon inculture sur la démocratisation du sujet au cinéma) culot de Capra concernant l'homosexualité ouvertement revendiquée de deux de ses personnages. Il est vrai qu'elle est encore désignée par une féminisation quasi Cage-follesque, cependant pour un film aussi éloigné et hollywoodien, je ne m'attendais pas à tant de décontraction.

Du muet et déjà très bon Capra.
Alligator
8
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le 5 janv. 2013

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