Potentiel probablement inestimable, et en grande partie gâché par des problèmes de direction artistique, un peu, et de sens du récit documentaire, surtout. On sort de "Between the Rains" avec certes la certitude d'avoir vu de belles images, d'avoir assisté à des pratiques hautement idiosyncratiques, mais tout aussi clairement d'être passé à côté d'un sujet.
Déjà je trouve qu'il y a un problème dans la façon de raconter l'histoire. La narration est partagée entre la description d'une communauté (les Turkana-Ngaremara), probablement le point déterminant en ce qui concerne les attentes, et le témoignage d'une fratrie (Kole et Patrick), l'aspect qui contenait le plus de surprise et potentiel. Mais à mes yeux aucun des deux aspects n'est satisfaisant. Les deux nous laissent sur notre faim.
Aussi, dans le même ordre d'idée, on apprend a posteriori en se renseignant sur les conditions de tournage que les deux réalisateurs ont passé quatre années à collecter les images au Kenya. C'est un crève-cœur d'apprendre cela et de constater qu'il n'y a aucune sensation à la hauteur de cet investissement, cela aurait pu se dérouler sur un mois on n'aurait pas franchement eu de sensation différente.
En outre le traitement du sujet avancé, les conséquences du changement climatique, me paraît largement trompeur. Le fait que la situation de conflit avec l'autre communauté, les Samburu, découle de la sécheresse est abordé de manière très sommaire, avec seulement quelques images arty pour le signifier — un petit timelapse avec de la terre en train de sécher.
Plus généralement, j'ai eu un vrai problème avec l'habillage formel du film, et en premier lieu avec cette musique digne d'une commande pour festival indépendant états-unien. Très désagréable, et qui nuit à l'immersion dans le récit d'apprentissage de Kole le berger devant subir différents rites initiatiques. L'horreur pour moi, ce sont plus ces images de dent qu'on arrache à la cuillère (métaphore bien laide avec la carcasse de zèbre bouffée par des hyènes et le bébé chèvre vulnérable juste après) plutôt que les innombrables mises à mort d'animaux (des chèvres surtout). On prédit l'avenir dans les tripes de bovidés, on boit le sang directement dans les entrailles d'un animal sacrifié... L'autre grand thème raté du film, la culture de la masculinité, qu'on ne voit qu'à l'état d'esquisse ici. Même chose pour le personnage de Josephine, la peacemaker. Finalement les mots de Kole resteront illustratifs et sans approfondissement : "Nature is a vindictive beast. The only thing worthy of fear". Il manque une grosse partie du tableau d’ensemble.