Après s'être vu décerné le prix du meilleur film à Berlin en 2012 avec Kauwboy, Boudewijn Koole confirme les expectatives avec son dernier long métrage, Beyond Sleep. Narration audacieuse, exploration de l'intériorité, splendides paysages désertiques, nature impitoyable en constituent les principales caractéristiques.


Voilà l'un des clichés de ces nouveaux "explorateurs" et autres fans de la randonnée qui, lorsque l'on leur demande ce qui les conduit à traverser de longues étendues vides et peu amènes, justifient leur longue et lente marche sans but ainsi: jouir de l'espace, éprouver la nature, s'éloigner du monde pour s'explorer soi-même en se livrant à un moment d'introspection. Tous ces lieux communs se retrouvent inévitablement réunis dans Beyond Sleep. Cependant, la forme de les traiter permet d'éviter ces lieux communs et d'apporter au tout un vent de fraîcheur, un goût nouveau.


Certes, les photos de fiords sont au rendez-vous, tout comme la lenteur assoupissante (pour nous, objets passifs) de la marche déteint sur le rythme du film. Néanmoins, celui-ci emprunte peu à peu un sentier imprévu qui nous mène dans les méandres sombres, rocheux et escarpés de la psyché du protagoniste Alfred (Reinout Scholten van Aschat). En effet, allant et venant de la narration externe (vue extérieure sur le groupe de quatre chercheurs géologues explorant des recoins cachés du nord de la Norvège) à une narration interne (Alfred et son fertile monde intérieur), le réalisateur surprend, égare en route puis retrouve le spectateur revenu de loin après toutes les émotions ressenties au long du parcours pendant lequel seront partagés les rêves, les réminiscences, l'imagination, les fantasmes (de mort) et les délires d'Alfred, principalement à la suite de ce passage où celui-ci franchit la frontière symbolique de la rivière et passe de l'autre bord d'un canyon après avoir perdu boussole et montre. Alors seront inaugurées une nouvelle temporalité/spatialité qui culmineront dans la magnifique scène où Alfred se retrouve pris au milieu d'un brouillard tenace parmi lequel il ne discerne plus rien et voit son être métaphoriquement s'effacer - dans la lignée de la réflexion existentialiste dont le livre éponyme ayant servi de base au scénario s'inspire. Tout cela placé dans un cadre devenant bientôt hostile et cruel fait franchir également au récit la frontière du genre en le faisant flirter intelligemment pendant un moment avec le thriller, créant ainsi une tension soutenant le suspens.


Ainsi, en partant d'une assez banale trame narrative, Boudewijn Koole ose arpenter librement les territoires cachés et chaotiques de l'esprit humain et livre finalement un film étonnant voire troublant qui nous mène hors des sentiers battus, en évitant le film américain simplet et stéréotypé du type Into the Wild auquel d'aucuns ne manqueront pas de faire trompeusement allusion.

Marlon_B
7
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le 30 juin 2017

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