Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec Bhoothnath Returns dans lequel Amitabh Bachchan était annoncé dans le rôle d’un fantôme revenant sur terre, et que la fiche SC estampillait comme « Epouvante-Horreur » ce qui ne colle pas franchement avec l’affiche… Comédie burlesque ? Tentative indienne maladroite de verser dans l’horreur ? Rien de tout cela ! Le cœur de Bhoothnath Returns c’est :
- la dénonciation de la pauvreté, de la corruption, de l’injustice, du pouvoir exercé par les puissants au détriment des pauvres, du désintérêt des politiques pour les conditions de vie des bidonvilles (absence d’eau, détritus, voiries non entretenues, aucun investissement dans les infra structures), le tout sur un ton léger.
- un plaidoyer en faveur du vote.
Boothnath est un fantôme qui a rejoint le royaume des fantômes mais dont toute la population là-bas se moque parce qu’il a échoué à effrayer même un enfant. Il demande à revenir sur terre pour laver son honneur. Mais une fois de retour, les événements prennent un cours inattendu. Il se lie d’amitié avec Akhrot, un gamin des bidonvilles qui a le don de voir les fantômes. Ensemble ils forment un duo de choc et confrontés de plus en plus à l’injustice et à la corruption, le fantôme, poussé par Akhrot, se présente aux élections pour faire obstacle à Bhau, un politique véreux. Boothnath se plie alors aux conditions requises pour devenir un candidat officiel et se présente, entre autres, au fonctionnaire électoral qui goûte guère la plaisanterie :
Ce n’est pas une plaisanterie monsieur, je suis très sérieux au sujet de cette compétition électorale (…)
A quelle époque vivons nous ! Maintenant même un fantôme peut se présenter aux élections !
Monsieur, vous avez dirigé le processus électoral durant de nombreuses années, vous avez vu de nombreuses personnes malhonnêtes, je suis simplement un fantôme ordinaire.
Après un moment de déroute bien compréhensible, le rival électoral, Bhau, ne tarde pas à s’adapter à cette situation jamais vue et c’est une réelle lutte qui s’engage entre lui et Boothnath. En politique tous les coups sont permis et un fin politique sait utiliser toutes les situations en sa faveur. Mais de son côté le fantôme va également utiliser les conséquences du système corrompu, comme le fait que son acte de décès n’a pas été enregistré, son fils ayant refusé de donner un pot de vin au personnel administratif au moment de son décès… N’étant pas administrativement mort, rien ne s’oppose donc à ce que Boothnath se présente aux élections. Une situation ubuesque mais qui dénonce une situation bien réelle, tandis que l’inverse existe aussi : des personnes bien vivantes sont déclarées « décédées » auprès de l’administration par les personnes de leurs familles voulant s’emparer de leurs terres et elles ont beau protester qu’elles sont vivantes, il n’y a rien à y faire ! Voir à ce sujet, le film Kaagaz. On peut se plaindre de l’administration française, mais si on a besoin de se remonter le moral sur le sujet, rien de tel qu’un bon film indien !
L’intrigue se poursuit donc avec la campagne électorale de Boothnath aidé du débrouillard et déterminé Akhrot. Occasion de continuer à dénoncer diverses situations comme le trucage des résultats, les manipulations diverses mais aussi et surtout le désintérêt d’une bonne partie de la population pour les élections, beaucoup de personnes ne faisant pas les démarches pour obtenir leur carte de vote. Et c’est certainement là la pointe du film. Un message dont l’importance n’a pas échappée à la Commission électorale de l'Inde qui a demandé le statut d'exonération d'impôt pour Bhoothnath Returns, déclarant:
Les gouvernements des États devraient soutenir le message social fort qui émane du film. L'octroi d'un statut d'exonération d'impôt à ce film sensibiliserait les gens à leurs droits en tant qu'électeurs et les pousserait à faire leurs cartes d'identité d'électeur ou à ne pas considérer le jour du scrutin comme un jour férié.
Le gouvernement de l'Uttar Pradesh a déclaré le statut d'exonération fiscale pour filmer le 30 avril 2014.
Bhoothnath Returns m’a agréablement surprise par son thème traité de façon si originale. Amitabh Bachchan joue parfaitement son rôle de fantôme et face à lui le petit Parth Bhalerao (Akhrot) a toute sa place ce qui dénote un réel talent. Cela n’a pas dû être rien pour un gamin d’une dizaine d’année de jouer avec un monument du cinéma indien de la stature de Bachchan. Il suffit de le voir danser dans les rues du bidonville sur la chanson Party to Banti Hai pour mesurer la qualité de sa présence. C'est très touchant de voir ce petit bonhomme danser au côté de ce grand acteur, dans tous les sens du terme. Sa performance a été saluée par la critique et le public Il a continué son chemin en suivant une formation au théâtre.
journaliste : pensez-vous que les gens voteront pour un fantôme ?
Boothnath : je veux juste leur dire que je ne suis pas un fantôme, je suis le futur.
Nb: j'ai découvert après coup que ce film fait suite à Bhoothnath, mais si là aussi le fantôme est en relation avec un petit garçon, l'intrigue est très différente et plus proche d'un film d'horreur classique tout en adoptant le genre de la comédie.