Les maux pour le dire
La fiction a toujours été un détour particulièrement efficace pour affronter le réel, ce n’est un secret pour personne : corriger les hommes en les divertissant est un programme établi depuis...
le 28 mars 2019
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Le drôle de film. Inspiré d'une drôle d'histoire, apparemment authentique. Evidemment, seul le réel pouvait concevoir une trame aussi bizarre : un ancien dessinateur de comics, amnésique à la suite de la sauvage agression dont il a été victime parce qu'il a confessé dans un bar aimer porter des chaussures de femme de temps à autre, cherche à réapprendre à vivre à travers les photos qu'il prend de poupées inspirées des personnes qui l'entourent et plongées dans des intrigues à la petite semaine ayant la 2ème guerre mondiale pour décor. Tordu, évidemment, donc vraisemblable. L'occasion pour le scénario d'interroger la haine gratuite qui sommeille à peine dans le cœur des hommes. Et de l'associer au nazisme, sans trop chatouiller l'autre fameux point G, le point Goldwin. Parce qu'en l'occurrence, non seulement les nazis sont à leur place dans les historiettes mises en scène dans son jardin par le héros, mais en plus certaines brutes du monde réel paradent niaisement avec une croix gammée bien visible tatouée sur leur biceps. On n'en a visiblement pas fini avec la "bête immonde", dont l'insolente santé commence quand même sérieusement à me chauffer. N'importe quel prétexte, on le sait bien, lui sert de bonne raison pour s'exhiber sans vergogne : ici, le fait qu'un homme (hérérosexuel, au fait) ose tourner le dos aux stéréotypes vestimentaires masculin. Oh, le gougnafier ! Comment peut-il insulter son sexe aussi innocemment ? La meute se déchaîne donc, mais elle n'est pas la seule : n'importe quel policier, même en civil, même en grave carence affective, peut à n'importe quelle occasion taper du talon et aboyer en allemand... Faut-il y voir une mise en accusation d'une certaine putréfaction de l'idéal d'ordre et de service de la police américaine ? Chépas, p'têt' ben, finalement. Bref, la ligne morale est claire : mais nom d'un chien, laissez don' les gens vivre leur vie et occupez-vous de vos slips, les nazes. D'autant que le protagoniste est un vrai gentil, sans une once d'agressivité, traumatisé par la violence qu'il a subie, un peu enfantin, largué, mal ancré, bref, un type comme il y en a tant, gentil, sympathique et complètement à côté de la plaque. Cochez la case du péché capital dans la liste... vous êtes à la peine ? Félicitations. Son avocat (noir), se plie en 8 pour le convaincre de venir assister à son procès. Le voilà, le véritable enjeu, mais il n'est absolument pas envahissant dans l'intrigue, s'effaçant volontiers derrière les inventions fantasques du héros, obligé de vivre sa vie par procuration désormais, à travers les aventures de Hogie, un capitaine de l'armée américaine sans peurs et sans reproches, poursuivi par une malédiction puisque toutes les femmes auxquelles ils s'attachent meurent irrémédiablement. Et voilà la plus jolie trouvaille de toute cette étonnante affaire : lesdites femmes, croisées dans la vie de tous les jours, s'animent sous la forme de poupées en plastique à leur image, (des)habillées par les fantasmes de leur démiurge immature. Et les actrices s'en donnent à cœur joie pour jouer les stéréotypes sexys dans des rôles que ne renierait pas Tarantino. Les effets spéciaux, à la hauteur, confèrent une étrangeté revigorante aux scènes imaginées par l'amnésique amoureux, et le scénario nous amène d'une manière imparable vers un finale cathartique savamment dosé, qui ose l'émotion en même temps que la drôlerie. Bref, de la douceur, de la subtilité, de la fantaisie, comme remèdes à l'insoutenable sauvagerie des hommes. Chouette. Et puis le tandem Zemeckis / Silvestri, que voulez-vous, je ne résiste pas.
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