Jean-Pierre Jeunet est un auteur étrange. Longtemps, au cours de ma courte cinévorie/philie, j'ai repoussé le visionnage de ses films que je ne connaissais que de réputation et par le visuel de ses affiches, sans réellement en comprendre la raison. Peut-être que je ne m'attendais qu'à une déception face à une comédie autant ancrée populairement, telle que Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain. J'avais aussi peur de me retrouver devant des oeuvres truculentes mais déjà datées, dépassées.
Et quelles claques furent Amélie, mais aussi Un Long dimanche de fiançailles et La Cité des enfants perdus. De nouvelles manières de raconter, de montrer, des trouvailles à toutes les scènes, une mise en scène et une photo qui marque la rétine, de véritables propos, Jeunet proposait quelque chose de profondément nouveaux au sein de la comédie française.
Malheureusement, à partir de Micmacs à tire-larigot, j'ai eu l'impression qu'il commençait à s'auto-pasticher. Que l'originalité virait au recyclage. Sa poésie s'était affadie.
Et depuis, il n'y a pas eu grand-chose : L'Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet (oui, Jeunet aime les titres longs) que je n'ai pas vu, et Casanova, un téléfilm avec des boobs pour Amazon en 2015 que personne n'a vu.
Autant dire que quand BigBug a été annoncé par Netflix, j'ai été hypé. Dubitatif mais curieux. Puis vint la bande-annonce: une sorte de proto-Nos Chers Voisins version SF aux couleurs criardes, avec un casting douteux (je vous ai déjà dit que j'avais de la peine avec Zylberstein ?) et des effets spéciaux cradingues, la hype s'est calmée. J'avais l'impression qu'on allait me servir un Jeunet en roues libres (comme souvent lorsqu'un auteur travaille pour Netflix), en full numérique lui qui avait tant de savoir faire dans les effets pratiques...
Verdict ?
Hé bien c'était bel et bien du full-kitsch, full-numérique. Alors je vous vois déjà venir !
Gna gna gna, Speed-racer c'est full-kitsch et full-numérique et pourtant t'as kiffé Monsieur Wilkes...
Oui, oui c'est vrai. Sauf que Speed-racer c'est bien. Là, ça débite des dialogues fait dans le même carton-pâte que le décor dans une image sans le moindre relief, criarde, agressive visuellement. Du drama digne d'un série France 2 de l'après-midi, un jeu d'acteur au même niveau. Et une bonne, bonne dose de cringe.
Il en reste sans doute (peut-être ?) un propos. Il en reste sans doute (j'espère ?) beaucoup de choix esthétiques conscients, malgré leur laideur. Il en reste au moins le mérite de faire autre chose que ce que nous propose la comédie française mainstream. Mais ça reste une énorme (et longue) déception, grotesque, où l'on rit, mais jaune.