A de nombreuses reprises, Jean-Pierre Jeunet a su susciter l’enthousiasme grâce à son savoir-faire et ses partis-pris radicaux. Ainsi, avec la liberté accordée par Netflix, beaucoup attendaient BigBug comme une replongée tant espérée dans les univers étranges et envoûtants du réalisateur. On espérait peut-être la grande œuvre, le résultat peine même à être un film.
Impossible de parler de BigBug sans faire état de l’effet de consternation que le film produit sur son spectateur. Ses partis pris radicaux nous plongent dans une hébétude proche de l’hallucination consciente ou du cauchemar éveillé. Que chercherait-on à produire d’autre, avec ces plans d’acteurs à vingt centimètres de la caméra affichant leur plus large sourire carnassier? Le malaise fonctionne, mais il est étiré sur 1h50 de film, sans arrêt, sans temps mort, sans une once de remords à l’égard de notre santé mentale. Jusqu’au moment où nous nous demandons si ce film est réellement un film.
Tout d’abord, la grande majorité de l’intrigue se déroule dans ce salon où l’on voit les acteurs aligner leurs répliques sur un ton vaudevillesque, parfois plus mécaniques encore que les robots. Les décors aseptisés aux couleurs criardes veulent certes dénoncer le mauvais goût de nos bourgeois, mais nous sont alors imposés durant l’ensemble de l’œuvre. urtout, ils n’ont aucun autre intérêt que leur fonction de décor. Parfois l’on s’assied sur une chaise, parfois on ouvre un livre… Il faut attendre le dernier tiers du film pour enfin voir une courte interaction entre ces éléments de décors et nos acteurs. Même le montage parvient à nous interroger sur la nature de film de BigBug. Le long-métrage ponctue régulièrement ses sketchs par un fondu au noir qui signerait la nature d’un téléfilm du dimanche, si elle n’avait pas été financée par la plateforme Netflix.
Et il y a l’écriture! L’enjeu de sortir de cette maison passe rapidement au second plan lorsqu’on a compris qu’il n’est qu’un prétexte à des séries de sketchs dépassés. Le ton des sketchs est donné dès les premières minutes à base de robot détectant le taux de sincérité d’un compliment ou le pourcentage…. d’une érection. Les personnages, incarnant inlassablement leurs caricatures, parviennent à accomplir le fascinant exploit de ne connaître aucune évolution psychologique tout en opérant des renversements de personnalité ponctuels. Ainsi, le couple divorcé qui ne cesse de se haïr finit sans aucune transition à nouveau ensemble et prêts à rebâtir leur famille! Lunaire!
Il est fascinant de constater que dans sa structure, dans l’enchaînement de ses sketchs, dans l’apparition sporadique de quelques caméos sans intérêts, dans son effroyable problème de rythme et ses allures d’épisode spécial du dimanche, BigBug ressemble beaucoup au légendaire Star Wars: Holiday Special. En beaucoup plus linéaire.
Suite de la critique gratos ici : https://leregardlibre.com/cinema/bigbug-jeunet-court-circuite-nos-cerveaux/