A la fin de BigBug, on apprend que l'erreur est humaine.
Jean-Pierre Jeunet est donc aussi humain...
Car on peut légitimement se demander ce qui lui est passé par la tête et se montrer assez effaré par le spectacle proposé en exclusivité sur Netflix, qui se plaît à aligner les grands noms comme autant de prises de guerre pour assurer la domination de sa plate-forme.
On peut aussi penser qu'une telle politique n'en a finalement pas grand chose à faire de la qualité de ce qu'elle finance, pourvu que les abonnés et nouveaux convaincus se ruent sur la nouveauté maousse venant aujourd'hui faire clairement concurrence à un agenda des sorties cinéma moins alléchant en ce début d'année 2022.
D'autant plus que Jean-Pierre Jeunet, cela faisait presque dix ans qu'il n'était pas réapparu sur nos radars, soit après l'abandon de sa version de l' *Odyssée de P***i et la réception fraîche de l'incompris ***L'Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S. Spivet*.
BigBug ne dépare pourtant pas, à première vue, dans l'univers du réalisateur, dans son décalage constant ou dans sa visite de canons esthétiques rétro. Et ici, Jeunet n'hésite jamais à se rapprocher du futurisme un peu toc aux allures d'années 70, ou encore des impressions laissées par les souvenirs de Mon Oncle, de Jacques Tati, pour nourrir une critique de l'hygiénisme de notre temps et de notre dépendance consentie à la technologie.
Le début de BigBug intrigue, tandis que les images et les couleurs pétaradent et donnent envie d'aller plus loin. Sauf qu'un esprit dans la machine nous susurre à l'oreille, minute après minute, que quelque chose cloche. Parce que l'on se rend compte que la galerie des personnages proposés n'a rien d'attachant. Parce que certains acteurs évoluent en roue libre ou se montrent tout simplement à côté de la plaque, Youssef Hajdi en tête.
Et même si la fine fleur française des seconds rôles ou des trognes défile à l'écran, le plaisir procuré s'étiole beaucoup trop vite en étranglant l'intérêt de BigBug, qui mute en un huis-clos neurasthénique et horriblement simpliste, versant de temps à temps dans un ridicule achevé que l'on ne connaissait pas chez Jean-Pierre Jeunet.
Le film sombre ainsi carrément dans un néant mou à mi-parcours, laissant ces personnages errer et se monter dessus histoire de tuer le temps, et le spectateur au passage. Dans un mépris impérial du genre humain qui laisse pantois, le tout dans une caricature facile, épaisse et peu inspirée, irrigués de saillies et de bons mots se rêvant d'Audiard mais ne se montrant souvent qu'odieux et dénués d'esprit et de spontanéité.
Les aspirations étaient là, assurément. Il y a à l'évidence de l'ADN de Jean-Pierre là-dedans, mais BigBug se montre si brouillon et périmé dans son propos que le goût du ratage reste longtemps en bouche après le générique de fin, laissant perplexe quant au retour d'un réalisateur que l'on avait connu plus inspiré et investi dans un cinéma plein de gourmandise et de défis.
De quoi penser que s'il a été un jour question d'intelligence là-dedans, elle ne peut qu'être artificielle...
Behind_the_Mask, 502 bad getaway.