• Enthousiasmé


Avant d’entamer une « critique » du film, parlons d’abord émotions. J’ai été épaté par ce film, à un plus d’un titre. Et depuis que je l’ai vu, je me le ressasse, l’analysant, le décortiquant. J’ai passé un bon moment et il m’a donné matière à réflexion. Signe d’un bon film pour moi.
Les dialogues sont d’une grande efficacité et le jeu d’acteur très intéressant. Michael Keaton, tout d’abord, que je n’avais jamais vu dans un rôle tragique. Ma préférence va tout de même à Zach Galifianakis et Naomi Watts, qui ont su s’effacer totalement au profit de leur rôle, s’éloignant de leurs étiquettes habituelles. Malgré tout son talent, Edward Norton me fait trop penser à Edward Norton et pas assez à Mike. Quand à Emma Stone, autant j’ai eu le souffle coupé lors de sa tirade où elle enfonce son père, autant le reste de sa prestation se perd dans les coulisses du film.
Sur le jeu, j’aime assez l’analyse d’Edward Norton, à propos du plan-séquence (j'ai piqué toutes ces citations à Allociné).



« Cela permet aux acteurs de s’exprimer comme seul le théâtre le
permet, et c’est quelque chose de très fort. Je trouve également que
cela confère inconsciemment une certaine énergie au jeu des acteurs ».




  • Incroyable plan-séquence



Honneur à Naomi Watts : « Birdman est le film le plus complexe que
j’aie jamais tourné en raison de sa forme visuelle atypique. Il a été
construit pour donner l’impression d’être un seul et même long plan. »



Une de mes motivations pour regarder Birdman était justement la technique. Pas forcément une bonne raison, mais ça en fait déjà une. Et je dois avouer qu’elle a réussi à m’épater. A plusieurs reprises, j’arrêtais le film pour me demander comment ils ont fait (provoquant l’agacement de ma chérie). Comme l’absence de reflets dans les miroirs ou le passage par la fenêtre. L’utilisation de l’espace est tout bonnement incroyable.
J’ai également été épaté par l’insertion de plusieurs temps de l’action dans un même plan séquence (je pense notamment aux répétitions qui glissent vers la générale, de la salle vide à des fauteuils remplis par le public). J’ai trouvé plus léger ces plans fixes sur des immeubles pour faire la transition du jour vers la nuit (ou inversement). D’autant plus regrettables quand on les compare à la fluidité « temporelle » d’autres séquences.



  • Jeux de miroirs


Mise en abyme ou « théâtre dans le théâtre », ce qui m’a le plus impressionné dans le film, c’est cette manière de manier plusieurs plans.
Tout d’abord, celui de la réalité elle-même. Le rapprochement entre Batman et Birdman ne fait aucun doute, et surtout entre les carrières de Michael Keaton et de Riggan Thomson. Etant assez vieux pour avoir vu les Batman de Burton, puis le pathétique Mes doubles, ma femme et moi, avant d’oublier totalement Michael Keaton. Les références à Georges Clooney et son menton (argument de casting pour l’hérétique Batman et Robin) ou à Robert Downey Jr. et son similaire parcours de rédempté d’Hollywood. A cela s’ajoute toutes les allusions aux célébrités existantes. Les échos entre Michael Keaton et Riggan Thomson sont multiples. Je me suis même demandé si la scène sur Time square ne s’est pas faite dans la réalité.
Puis, il y a ce « théâtre dans le cinéma », avec la pièce tirée de l’œuvre de Raymond Carver, où Riggan lui-même se demande si la pièce ne parle pas de lui. Le cinéma qui parle de cinéma n’a rien de nouveau (voir absolument l’excellent Ça tourne à Manhattan). L’utilisation du théâtre est ici plus originale. Car fond et forme se mélangent.
Sur le fond, tout repose sur l’écho des personnages entre eux et ceux qu’ils interprètent dans la pièce de Riggan. Les autres acteurs mettent de leur vie dans la pièce (cf l’érection de Mike). Mais Birdman reste essentiellement centré sur l’acteur Michael Keaton qui joue un acteur qui joue une pièce de théâtre. Il est le centre de gravité du film (à tous les sens du terme).
Quand à la forme, comme Edward Norton le dit ci-dessus, l’utilisation du plan-séquence rapproche le jeu des acteurs de cinéma aux conditions du jeu théâtral. Technique du plan-séquence qui, du coup, met sur un même plan toutes ces dimensions (réalité – film – théâtre), avec une fluidité proche du tournis (la migraine pointe à mesure que j’écris ces lignes).
En terme d’écriture et de mise en scène, ceci m’épate au plus haut point.


- A l’épreuve du temps


Ce qui fait la force de ce film constitue aussi sa faiblesse. Le rapprochement entre Batman et Birdman, entre Michael Keaton et Riggan Thomson, n’a véritablement de sens que si on a connu la carrière, et la disparition, de Keaton. Pour moi qui suis de la génération Batman-Burton, ceci a du sens et du poids. Pour la génération Batman-Nolan, j’en suis beaucoup moins sûr.
De même, toutes les petites piques sur des stars d’Hollywood, proches de la mesquinerie, font que le film perdra de son intérêt dans 15 ou 20 ans. Ce qui est vraiment regrettable, car sa technique lui aurait permis de rester dans le temps.
Quand je lis l’intention d’Alejandro Iñárritu



« J’avais envie d’explorer la question de l’ego et l’idée que le
succès – qu’il s’agisse d’une réussite financière ou de célébrité –
est toujours une illusion. »



Je ne peux m’empêcher de penser qu’il est tombé lui-même dans le piège de la célébrité et de l’éphémère.



  • Le fantastique ?


Une dernière interrogation sur ce film : l’utilisation du fantastique. Tout au long du film, le doute existe sur sa réalité ou non. Pouvoirs ou hallucinations ? L’installation du doute est intéressante pour appuyer la psychologie du personnage. Mais elle n’était pas, à mon sens, nécessaire. Et la fin fait malheureusement pencher la balance.
Je trouve finalement ceci inutile, sans apport concret à l’histoire. Cela parasite surtout la compréhension du film et gêne sa fluidité.

Caledodub
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le 6 avr. 2015

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Caledodub

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