Auréolé par les Oscars, "Birdman" de Alejandro González Inárritu s'apparente à une sorte de fable dans laquelle se développe une satyre de la célébrité, ou plutôt de la quête d'une célébrité perdue. Fort heureusement même si ce pitch est à lui seul plein de promesses, d'autres thématiques entrent en jeu, pour le plus grand plaisir du spectateur.
Ce qui caractérise premièrement "Birdman", c'est sa forme. Cette dernière est absolument bluffante, notamment en terme de mise en scène. Car c'est principalement grâce à cet enchaînement de plans séquences subtilement ponctués de transitions discrètes et presque imperceptibles, que l'histoire nous est narrée. La forme nous raconte le fond, et c'est passionnant. Passionnant parce que le cinéma sensoriel peine parfois à trouver sa place au près du public. Certains reprochent à tort à "Gravity" d'être formellement bon mais fondamentalement creux, ou bien encore la forme des films de Terrence Malick laissent parfois le public de marbre. Ce sont des constats à mon sens infondés, le cinéma sensoriel nous propose des images et une narration qui sortent des clous, il y a de quoi être surpris c'est vrai, on peut aussi passer à côté, pour autant est-ce que cela influe sur la qualité des films ? Je ne pense pas. "Gravity" est une ode formidable à la force de survie et à la question de l'existence, tout comme "The Tree of Life" est par exemple un long poème filmique sur la famille, le deuil, l'amour, la spiritualité et la vie en général.
"Birdman" entre dans cette catégorie des films sensoriels, il y a même toute sa place. Formellement le film nous immisce dans la tête de son protagoniste principal, et les plans séquences traduisent tout ce qui s'y passe, les émotions et les questionnements, pour ne citer qu'eux. Alejandro González Inárritu nous parle du monde du paraître, de la gloire passée. Il le fait à travers le personnage assez loufoque d'un acteur déchu, égocentrique. C'est peut-être là que le film peut parfois dérouter. En effet le long-métrage ne tente jamais de nous apporter une quelconque vérité sur ce que peut ressentir un acteur déchu, il n'en propose qu'une possible réalité, car nous sommes de toute de manière dans la tête du personnage, ce que l'on voit, ressent et supposons, c'est ce que lui voit, ressent et suppose. Le tout est agrémenté d'une ambiance comique et transgressive très savoureuse, enveloppée dans les magnifiques images à la photographie léchée. Au risque d'être redondant, on est ici dans un pur film des sens, les images parlent et les percussions de la musique instaurent l'ambiance.
Pour parvenir à transmettre autant de choses il faut un acteur de taille, et c'est en la personne de Michael Keaton que Alejandro González Inárritu trouve son interprète. L'acteur fait des merveilles, il est d'ailleurs assez incompréhensible que l'on ne lui ai pas remit d'Oscar pour cela. Keaton joue beaucoup sur les nuances qui jonchent son parcours personnel, et il y a évidemment la fragrance du souvenir des "Batman" de Tim Burton qui fait surface puis l'époque où Keaton tombe dans l'oubli.
Mais notre cher Michael n'est pas le seul à faire des merveilles, Emma Stone est elle aussi parfaitement dans les clous. Belle, drôle et touchante, ses yeux immenses viennent une nouvelle fois traduire les émotions qu'elle laisse passer subtilement dans son jeu. Edward Norton s'éclate littéralement, l'acteur prend clairement son pied et nous aussi. Naomi Watts quant à elle demeure plus en retrait, mais toujours dans une certaine justesse, et Andrea Riseborough n'a pas non plus à rougir. Enfin Zac Galifianakis est surprenant.
Je n'attendais pas spécialement grand chose de "Birdman", je ne connaissais pas non plus le cinéma de Alejandro González Inárritu, et je dois bien avouer que la surprise a été quasi totale. Le film est beau, fort et parfaitement orchestré.