La crise de la quarantaine, c’est ce moment où l'on se retourne pour regarder sa vie, méditer sur les choix qui nous ont conduit ici et maintenant avec plus ou moins de regrets. Ethéro, elle, a 48 ans et l’air de n’avoir jamais eu cette crise-là. Seule, elle cueille au fil des saisons les mûres savoureuses de son village de Géorgie qu’elle ne quitte pas, tout en tenant l’épicerie du coin. Cette routine imperturbable questionne les femmes de son village qui jugent cette activité comme une carence, elles qui sont comblées d’un mari et d’enfants, comme tout le monde, comme toute femme. Pourtant elles ne semblent pas si épanouies de leurs mariages et sont peut-être aussi un peu jalouses de ne pas avoir cette indépendance.
D’apparence, Ethéro est virile et dure avec sa carrure robuste et ses traits anguleux. Elle apparaît froide, impassible, impénétrable. Pourtant Mourmane, le gentil livreur qui lui fournit régulièrement les denrées pour son épicerie va cueillir en elle un désir qui était latent, et qui va la conduire à reconsidérer ses choix. Quelque chose brûle en elle, c’est tout doux, c’est tendre, ça vit. Au-delà du poids des injonctions de la société et des attentes des hommes de sa famille dont les ombres planent dans la maison et pèsent sur ses larges épaules, Ethéro va se découvrir et explorer sa sensualité et sa sexualité. “Et toi, comment es-tu devenu un gentil chien au milieu de tous ces loups ?” dit Ethéro à Mourmane comme pour interroger cette difficulté à exprimer son amour des autres dans une société où il faut se protéger.
Elene Naveriani nous invite à regarder la manière dont on fait corps avec la société, la place qu’ont les femmes et celle qu’elles prennent, les choix qu’elles font ou ne font pas. C’est aussi une réflexion sur le corps. Si le corps de la femme a toujours été désiré au cinéma au travers un male gaze, il apparaît ici brut, épuré de toute artificialité pour construire une image juste et sincère. Pour les femmes, il est toujours question en société d’horloge biologique. On juge les femmes seules, sans enfants et on leur rappelle qu’il faut procréer, qu’il faut faire famille, comme si c’était un besoin communément partagé. Ethéro est en dehors de ces schémas traditionnels-là. Plutôt que remplir des objectifs largement attendus par les autres et si la vie, la vraie, c’était simplement aimer ? Elene Naveriani, à propos de sa protagoniste déclare : “On assiste petit à petit à sa transformation, elle explore un désir de vie qui était jusqu’alors écrasé par les autres. Je crois qu’on a tous en nous cette envie d’être libre et de suivre nos désirs mais nous n’arrivons pas toujours à trouver notre voie au quotidien.”