Rien que le titre ironique et limite provocateur donnait envie d’en savoir plus sur le film.Spike Lee,réalisateur qu’on ne présente plus, a commis un film engagé et engageant.La première qualité de BlacKkKlansman,c’est justement de ne pas suivre la voie ronronnante du biopic et d’avoir assez de rythme et des dialogues étudiés pour embarquer le spectateur dans cette manière assez folle d’infiltrer le Klux Klux Klan (organisation suprématiste blanche notoirement active aux Etats-Unis) dans les années 70. L’infiltration conduite par Stallworth et Zimmerman révélant un dispositif inédit mais efficace. Avant les premiers résultats concluants du duo de flics de Colorado Springs,Spike Lee aime à se remémorer les grands moments du militantisme noir ayant évolué depuis l’assassinat de Martin Luther King.De cette façon, le réalisateur souligne,de cause à effet,la résurgence de l’Organisation (dont il faut taire le nom selon Félix) ,prête à en découdre.En cristallisant ce mécanisme et en utilisant des images d’archives anciennes et contemporaines,il montre que des années 70 à nos jours,la perpétuation de la violence raciale a finalement les mêmes ressorts.C’est en cela aussi que BlacKkKlansman a un fort pouvoir d’évocation sans forcer le trait.Par contre,là où Spike Lee fait entrer son film dans une nouvelle appréciation,c’est en démontant les rites d’initiation des membres de l’organisation extrémiste.En prouvant qu’une éminence grise chapeaute des individus imbéciles,arrivistes (cf le personnage de Walter voulant satteliter le faux Stallworth pour une raison bien précise) et influençables.Et,c’est là que les postures de ces cowboys,servant le Klux Klux Klan corps et âme, sont inquiétantes pour devenir risibles.Spike Lee,suggèrant que cette sensation de surmoi chez les disciples ou leur maître leur fait perdre le sens des réalités.Finalement,c’est là que le film engagé devient engageant en désacralisant à propos la rhétorique de la division et de la terreur.Les scènes où Stallworth et ses collègues policiers se moquent au téléphone des extrémistes en chef ou de bas-étage sont en cela jubilatoires.Rien n’est plus ridicule qu’un homme croyant trop à la portée de son message discriminatoire.En évoluant sans cesse dans un entre-deux situationnel,le film de Spike Lee évite superbement l’ennui,le brûlot militant et surtout la complaisance (voir comment durant l’épilogue Stallworth et ses collègues se font voient fermement contraints d’arrêter leur infiltration au nom de la paix civile).Réaliste quand il le faut,ironique à propos,BlacKkKlansman réussit avec audace à captiver,poser les bonnes questions et ne pas se perdre dans son exposé.Ainsi,il pourrait rester un des grands films de Spike Lee sans difficulté et avec tout le mérite et la bienveillance qu’on est en droit de lui devoir.