Août reste la période de prédilection pour les sorties de films présentés à Cannes. Faisant suite à Under the Silver Lake, Le Monde est à toi ou encore Le Poirier Sauvage (voir Dogman et Une Pluie sans fin en Juillet aussi), BlacKkKansman de Spike Lee arrive donc dans les salles pour le plus grand nombre, auréolé de son Grand Prix.
Quand bien même son titre français est trompeur, il n'empêche que l'histoire reste incroyable et la célèbre formule, "basé sur des faits réels", n'est pour une fois pas galvaudée. Spike Lee ne s'est par ailleurs pas trompé dans le choix du ton à employer : pour traiter un récit aussi improbable, mieux vaut se diriger vers la comédie, voir la farce. Malgré tout, on voit clairement les limites du procédés : Spike Lee est connu pour ses comédies dramatiques, plus nuancées dans le ton. On sent ici cette volonté de se foutre ouvertement de la gueule des Klansmans et de leur bétise et en même temps cette crainte de trop les décrédibiliser, au risque de ne plus les prendre au sérieux en dépit de leurs actes, bien réels. Tout ceci culmine avec cette séquence finale, dans laquelle
Lee rattache le récit aux évènements récents de Charlottesville, juste après une scène dans laquelle David Duke se fait humilier.
Comme si Lee avançait avec le frein à main, à trop douter sur quelle attitude il devrait choisir. Si la démarche n'est clairement pas critiquable, elle n'en dessert pas moins le film en terme de justesse. Peut-être que l'intention de départ de Lee était de faire une œuvre ambivalente.
Tout le traitement de l'impact du cinéma et des images en général sur nos sociétés (ici la transmission d'une imagerie raciste et faussement nostalgique du vieux Sud) est par ailleurs assez rafraichissant. Lee nous rappelle l'importance de la création d'icônes pour inclure des communautés dans l'imagerie collective et encore plus important, du traitement qui est fait d'elles. En opposition au traitement des communautés noires dans Naissance d'une Nation et de la glorification des Klansmans.
Reste un film qui hésite à se diriger vers le Buddy Movie, dans le sens où la relation Ron Stallworth-Flip Zimmerman est trop développée et pas assez à la fois. Ron reste le personnage principal et Flip devient un personnage principal de par son rôle dans l'intrigue mais secondaire dans son traitement.
Malgré toutes ces ambivalences, du ton au genre du film, la réalisation est aux petits oignons, fortement influencée par la blacksploitation (quand je parlais d'édification d'icônes noires...), la musique est du même acabit (bande originale et morceaux empruntées), la photographie est splendide, etc... La technique est impeccable et on ne viendra pas chercher des noises à Spike Lee sur ce point. Très heureux également de voir deux acteurs peu connus sur le devant de la scène, John David Washington et Laura Harrier (vue dans Spiderman Homecoming quand même), dans des prestations qui annoncent du très bon à l'avenir.
BlacKkKlansman, à défaut d'être le meilleur Spike Lee ou même le film qui méritait le Grand Prix à Cannes, n'en demeure pas moins un film très intéressant qui vaut clairement le coup d’œil, autant pour les messages que pour le bon moment que l'on passe devant. Demeure l'éternel problème de la cible : ceux qui devraient voir le film ne vont-ils pas continuer à le snober et ne va-t-il donc pas se contenter de prêcher des convaincus ? Toujours est-il qu'il faut des films comme ça, malgré tout.