Mauvaise adaptation du livre. Je n'ai jamais compris que ce film soit considéré comme un grand classique alors que l'oeuvre d'origine est bien plus riche.


Edit du 21 décembre 2019.
Je viens de revoir Blade Runner sur TCM, et comme on est pile poil au moment du film, je me sens un peu obligé de détailler cette critique. En effet le film commence en novembre 2019 et se termine le 8 janvier 2019 date de l'expiration de Roy Batty.


Dejà ce qui marque c'est que ça ne correspond pas vraiment au monde actuel... On n'a pas de voitures volantes, d'androïdes, de colonisation des planètes, de tour en forme de pyramide. En revanche on a de meilleurs ordinateurs, écrans, éclairages, et les gens fument beaucoup moins surtout dans les grandes villes US comme Los Angeles où se déroule le film. On a bien des androïdes mais c'est un OS de smartphone, ça ne respecte pas ce que son nom dit, on en a fait une redéfinition sémantique, tout comme d'ailleurs des hoverboard vu que la date de retour vers le futur a aussi été atteinte il y a quelques années. Le soucis c'est qu'en 1982 on présente tant de choses avec une date, il est évident que la date est trop proche pour que ça puisse être crédible, surtout si on fait revenir un gars en retraite spécialise des androïdes, ce qui laisse supposer que la technologie est bien plus ancienne. HG Wells était plus intelligent avec ses Morlock en 802 701.
Au niveau des moeurs aussi il y a un soucis par rapport au vrai 2019. Pas un seul afroaméricain dans ce film, il y a bien une présence importante asiatique et hispanique à LA, comme dans la réalité, mais elle est restée dans l'image des immigrants asiatiques "fresh off the boat" qui restaient au XIXeme / début XXeme dans leur langue et leur culture. Des idéogrammes, de la street food, leur langue utilisée à tout bout de champ... bref c'est le "chinois" des western, alors que dans la réalité ce n'est pas ainsi. En fait ce sont plutôt les hispaniques qui ont réussi dans le monde réel à imposer leur nourriture et leur langue dans une partie de LA et qui incarne le "chinois" de Blade Runner. Une autre différence importante aussi au niveau des moeurs est le viol de Rachel par Deckard, qui passe comme une romance dans le film. D'ailleurs en 2019 Rachel, trop blanche, ne serait pas choisie, mais remplacée par quelqu'un de plus foncé, métis, hispanique, afro voire pourquoi pas indienne vu que les derniers temps il y en a enfin. Et pour finir on nous caserait quelque chose pour briser cette hétéronormativité : Rachel et Deckard, Roy et Pris, et le troisième qu'on devine (elle prend sa douche chez lui et lui la venge ensuite en se mettant à découvert tout seul comme un con) Zohra et Léon.


Bref sur ce constat lié à l'opportunité de la date, revenons au film.


Donc à la base ce film est censé être une adaptation de "les androides rêvent ils de moutons électriques" de Dick. Bon j'ai lu le livre il y a presque 25ans, et avais vu le film la première fois quelques mois après et ça ne m'avait pas fait forte impression. Le principal problème est que la thématique du film est différente, on donne beaucoup plus de place aux animaux et aux rapports entre les être vivants qu'aux robots dans le livre. La terre est devenue polluée et dépeuplée de tous ses animaux -y compris l'homme- et le luxe ultime est d'avoir un animal de compagnie et de s'en occuper pour qu'il reste en vie. Plus l'animal est gros, plus il coûte cher à entretenir, plus ça indique son statut social. C'est comme une danseuse en fait. Ca témoigne de sa capacité de financement et de son empathie à pouvoir comprendre les besoins de l'animal. L'empathie étant devenue une valeur centrale dans ce monde dévasté. Et donc le personnage principal rêve d'avoir un mouton, qui serait une progression de son statut social et une forme d'accomplissement par rapport à l'animal qu'il possède actuellement. Par dessus ça il y a tout plein de thématiques, dont en particulier l'incursion des nouveaux médias et de la manière dont ils captent l'attention des gens, un appareil de mise en relation façon réseau sociaux pour ressentir l'empathie des autres et communier avec eux dans une vie sinon pleine de solitude. Bref c'est une nouvelle sur l'empathie, les hommes recherchent de la connexion avec les autres être vivants. Et les robots là dedans, avec en particulier le test de VK ou test de Turing comme on l'appelle maintenant plutôt, représentent l'être humain sans empathie, l'empathie étant ce qui différencie la machine du vrai être humain. Ils sont l'exact opposé de la recherche de sens et de chaleur à la mode du moment. La forme sans le fond quoi. Bref Rachael la robote de Rosen le concepteur de robot -qui s'appelle Tyrell dans le film, sans doute parce que Rachael Rosen ça faisait trop communautariste par rapport à Rachel Tyrell- dans le roman sert à montrer de l'empathie envers le personnage principal via la forme d'empathie la plus intense, le sexe, c'est d'ailleurs sa fonction principale, séduire les bounty hunters chercheurs de robots -le terme blade runner n'existe pas dans le livre- pour le décourager de se lancer à la chasse des autres robots, d'autant plus que l'un d'entre eux lui ressemble. Ca ne fonctionne pas et Deckard tue les autres robots, pour se venger Rachael tue la chèvre que Deckard avait pu acheter avec la prime sur les robots afin qu'il comprenne que les autres robots étaient pour elle plus que la chèvre pour lui au niveau empathique.


Le style et l'ambiance de PK Dick, en particulier ses obsessions, la paranoïa permanente, est rarement bien retranscrit au cinéma, mais ce n'est pas pour autant que les adaptations sont mauvaises. "A scanner darkly" ou "Screamers" doivent être les seuls où j'ai eu la même impression qu'en lisant les livres. Pour autant "Minority Report" ou "Total recall", le premier évidemment, sont des réussites. "Paycheck", "l'agence" , "Impostor" ou "passengers" sont des bons divertissements. On ne peut pas en dire autant du deuxième total recall, de Next...
Le film blade runner adapte très mal le livre, mais ce n'est donc pas pour autant qu'il était nécessairement pas bon.


Donc dans le film on évacue complètement la thématique de l'empathie, si ce n'est que c'est ce qu'on recherche dans le test de VK. Mais le test de VK, préliminaire nécessaire à une exécution, ne sera fait que deux fois dans le film, la première se soldant par la mort du testeur par le robot Léon, quand bien même il était connu des services de police que 4 androïdes étaient arrivés illégalement sur terre et dont ils avaient la photo en particulier du gars en question, et la deuxième se soldant par la découverte du statut de robot par le robot Rachel, invention du film. Du coup le film introduit la thématique du " suis je un robot ?" alors que dans le livre on ne parle pas de ça. En particulier les spectateurs qui se demandent si le personnage principal est un robot sans le savoir et si le film va en ce sens. Le reste des interactions entre Rachel et Deckard est calqué sur la forme mais pas sur le fond, elle vient le retrouver pour avoir du sexe, sauf que dans un cas elle s'offre pour lui faire ressentir des choses et lui faire avoir une empathie envers les machines, dans l'autre c'est lui qui la viole et elle est venue savoir des informations sur elle parce qu'avec son statut de policier il peut avoir connaissance de sa date d'expiration, de ses directives principales... Bref on garde le superflu mais pas l'essentiel. Dès leur première interaction la thématique des animaux est mise à la benne, Deckard se retrouve avec l'un des hommes les plus riches de la planète et sa nièce et celui ci ne dispose que d'un faux hibou, les vrais n'existent donc plus. L'issue du test de VK où Rachael est déclarée faux positif dans le livre introduit dans la tête de Deckard un doute sur le fait d'avoir déjà tué des être humains, alors que dans le film Rachel se contente juste de lui poser la question sans plus de conséquence et sur la base de rien. Le superflu sans l'essentiel.


Tout ce qui est environnement est complètement différent. Outre la passion pour les animaux et l'empathie mis à la benne, la planète n'est pas ici vide comme dans le livre mais surpeuplée. L'impact des technologies télévisuelles et de partage empathique est réduit à une publicité omniprésente consumériste, donc tout l'exact opposé de la recherche de sens et de chaleur humaine.


Finalement ne reste plus du livre que la traque des robots. Et là l'enquête est vraiment très simpliste.
Le premier indice est un coup de pot, en visitant l'adresse indiquée par le robot Léon qui n'a pas fait d'effort en en indiquant une mauvaise et qui a glandé pour vider son appart et n'arrive qu'après la police, il trouve à la fois un indice caractéristique, une écaille de serpent synthétique avec, comme c'est pratique, un numéro de série qui lui permet de revenir au fabricant puis au propriétaire. Et il trouve aussi une photo où par un zoom numérique digne des pires inventions de CSI où l'auteur se fait piéger par le reflet dans les lunettes d'un mec assis à la terrasse d'un café à 2km, il arrive à identifier à la fois le serpent et un visage de femme, une de celles recherchées. Du coup il se rend chez le propriétaire du serpent, y trouve la femme. La tue parce qu'elle décide on ne sait pas pourquoi de le tuer puis de s'enfuir, sans bien sûr lui passer le test de VK pour l'identifier comme robot, finalement à quoi sert le test ! Par une coïncidence inouïe elle meurt abattue par lui sous le regard de Léon, sans bien sûr que Deckard ne le remarque.
Plus tard Léon vient se venger, c'est bien pratique Deckard n'a pas besoin de venir chercher les robots, ils viennent à lui, et comme dans tout "bon" film d'action ou d'horreur, toujours un par un histoire de ne pas profiter de leur avantage numérique. Et Rachel qui stalke Deckard pour savoir qui elle est l'aide pendant qu'il se prend une dérouillée par Léon, et tue Léon avant qu'il n'ait le dessus sur lui.
Pendant ce temps là, les deux robots restants qui sont à la recherche de ce qui les a amenés sur la planète, à savoir se débrouiller pour que leur date d'expiration puisse être reculée, font un peu avancer le schmilblick. Ça aussi c'est une invention du film, un peu l'idée des gênes suicides dans les OGM, au moins c'est pas bête contrairement aux autres inventions du film par rapport au livre. Bref après des péripéties inutiles chez un asiatique, ils comprennent qu'il faut voir avec le mec qui les a conçu, ce qui était évident quand même. Sauf que le père Tyrell on l'approche pas comme ça. Donc ils trouvent un gars qui a des relations avec lui, font copain copain, et arrivent chez Tyrell avec un cheval de Troie. Le gars avec qui ils font copain qui là s'appelle Sebastian, s'appelait Isidore dans le livre, et est réduit à sa plus simple expression, là aussi on garde le superflu et on perd l'essentiel. La forme avant le fond. Bref le mec est malade et vit au milieu de pantins, sauf que là c'est devenu un génie créateur de robots mais qu'une maladie le contraint à rester vivre -et pourquoi voudrait-il partir ? Contrairement au livre, rien n'est expliqué à ce sujet, tout au plus on fait de la pub pour que les gens se cassent sur des dirigeables un peu à la manière des USA qui faisaient de la pub en Europe fin XIXeme début XXeme pour recueillir les laissés pour compte sous employés, alors que dans le livre il s'agit plutôt d'immigration depuis l'Europe vers les USA façon début XXIeme c'est à dire plutôt les qualifiés qu'on recherche de part et d'autres mais qui sont mieux payés aux USA- alors que dans le livre c'était un simplet manipulable, ce qui est quand même beaucoup plus cohérent. Une fois arrivé chez Tyrell, et que celui leur indique que c'est impossible de changer ce paramètre de date d'expiration, il est à la base du système, Tyrell se fait de manière tout à fait prévisible et attendue, zigouiller par le robot Roy éprouvé. Et Sébastian crie et y passe aussi.


Grâce à ce double meurtre, Deckard, qui visiblement ne trouverait rien sinon, va enquêter au domicile du gars trouvé mort chez Tyrell, où de manière fort pratique deux robots sont toujours. Les robots l'attaquent un par un, toujours de manière pratique pour le scénario, et par un artifice du scénario la date d’expiration du dernier robot, Roy Batty, tombe pile poil au moment du combat avec Deckard. Roy sentant sa fin venir sauve finalement Deckard d'une chute mortelle et lui fait un monologue en partie improvisé par l'acteur apparemment apprécié des fans du film. Et Roy came. Deckard va toucher son fric et rester avec Rachel.


Bref une histoire policière succession de coïncidences, sans rebondissements ou fausses pistes, où les adversaires lui disent où ils sont, où deux fois sur quatre il se fait sauver la mise par quelqu'un d'autre (Rachel face à Léon, puis Roy face à Roy), où jamais il n'utilise le test pour confirmer qu'il n'a pas affaire à des humains et qu'il peut les tuer. On a vu mieux, c'est un euphémisme.


Sous prétexte que dans le film, un policier le suit à certains moments, que celui ci laisse des animaux en papier, allumettes ou papier alu, certains en concluent que sous prétexte que le dernier animal retrouvé est une licorne, que la licorne est l'animal dont rêve Deckard, Deckard serait un robot.


C'est de moutons électriques sont ils rêvent peut être les robots, pas de licornes. Les licornes n'existent pas, qu'elles soient roses ou non.
Bref on aura remarqué, le livre critique la forme qui passe avant le fond de l'humanité, le film adapte le livre en faisant passer la forme avant le fond.

wasabi
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le 4 nov. 2015

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wasabi

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