Blade runner est sous ses allures de policier teinté d’action un film profond et esthétiquement bluffant. Les décors sont absolument prodigieux, mention spéciale étant faite au désormais célèbre immeuble qui abrite l’appartement de Sebastian. L’ambiance du film est poisseuse, il y pleut tout le temps, les ruelles sont malfamés et l’on y croise toute sorte d’individus. D’ailleurs pour l’anecdote, Rick Deckard aurait été inspiré par Philip Marlowe, le célèbre détective de Raymond Chandler. Les inspirations de Scott ne se limitent donc pas à la science fiction, son scénario non plus d’ailleurs : si la première version du film (merci la Warner…) était marquée par une simplicité toute hollywoodienne qui ravage beaucoup trop de films du genre, la version originelle est toute autre. Les premières phrases contiennent en germe tout le dilemme : les humains ont créés des êtres qui leur sont supérieurs pour les mettre en esclavage et leur refuser toute longévité (leur durée de vie est de quatre ans). Il suffit d’une rébellion pour que la machine s’enraye et que les tout puissants créateurs n’hésitent pas à supprimer bassement leurs « choses ». Et avec le personnage incarné subtilement par Sean Young la duplicité de l’opération apparaît au grand jour : cette androïde à qui l’ont a implanté des souvenirs factices n’a théoriquement pas droit aux sentiments ; et si l’amour qu’elle éprouve envers Deckard (Harrison Ford dans un de ses rôles les plus marquants) était sincère ? De même, la relation entre Sebastian, le créateur, et le personnage joué par Rutger Hauer mérite toute notre attention : du démiurge isolé et vieillissant précocement ou de l’androïde rejeté qui connaît à l’avance la date de sa mort prochaine, lequel est le plus à plaindre ? On pourrait s’attarder bien longuement sur les richesses d’analyse de Blade runner et on est en même temps pris par la beauté saisissante des images, par le souffle de la mise en scène, par la magie du cinéma.