Cette critique fait partie de la liste "Un film, des scénarios"
https://www.senscritique.com/liste/Un_film_des_scenarios/1510143
Main Titles and Prologue by Vangelis:
https://www.youtube.com/watch?v=ZYDnK80Ftio&list=PLJIEpdZoj5dtFOaEyGWxPcI0263kL2sVn
Le film:
Je ne saurai rajouter quoique ce soit qui n'a déjà été dit auparavant...
Je me bornerai donc à vous dire que ce splendide film, est une tragédie sur le sens de la vie.
Rarement un film de S-F aura poussé aussi loin son concept, pour aboutir à une œuvre aussi profonde et mélancolique, dotée d'une direction artistique unique et inégalée à ce jour (bien que maintes fois copiée).
Ridley Scott signe là son meilleur film (après le pourtant exceptionnel Alien) et transcende le scénario (retouché salutairement par David Webb Peolple), bien que ce fut loin d'être et de tout repos et gagné d'avance.
A ce titre, il est indispensable à tout fan de Blade Runner, de voir et les différentes versions du film (5 à ce jour, dont le très intéressant Workprint) et le fabuleux making of Dangerous Day, dont l'ensemble est un passionnant voyage aux confins de la création d'un film.
Je tiens aussi à signaler que l'exceptionnelle BO de Vangelis apporte une dimension magnifique à ce film qui a fait date, dans l'histoire du cinéma.
Il me restera à jamais les images dû aux plans aériens de Scott , survolant ce futuristique Los Angeles 2019 (maintenant le passé, paradoxalement...) éternellement cachée sous un écrin de pluie luisante, et illustrée par la superbe partition mélancolique de Vangelis...
Il est fort dommage que la Warner ait choisi de sortir le film en juin (période estivale propice à la détente et à la pensée positive) alors qu'une distribution en fin d'année (octobre ou novembre) aurait été bien plus judicieuse pour être dans le bon mood...
Universal fit de même avec E.T cette même année 82 et celui-ci enfonça et le film de Scott et le The Thing de Big John profondément dans le sol...
Je ne vais donc pas analyser le sous-texte du film, ni le décortiquer ni encore démontrer que Blade Runner a inspiré 1000 films ultérieurement.
Non, je vais ici résumer ce que fut le scénario initial non retenu d'Hampton Fancher, basé sur la nouvelle "Do Androids Dreams of Electric Sheep" de Philip K. Dick.
(24 Juillet 1980)
Le script débute directement sur le plan de l’œil de Leon, assis dans le bureau de Holden.
C'est lorsque le Blade Runner lui pose la question sur la tortue:
"...She's on her back and her belly is burning under the sun...But you don't help her...Why ?
(Elle est sur le dos et son ventre brûle au soleil. Mais vous ne l'aidez pas...Pourquoi?),
C'est là que Leon le tue d'un coup de laser-blast (et non pas après avoir posé une question sur la mère du Répliquant, comme dans la version finale).
La scène suivante nous présente Deckard.
Il est dans un train à très grande vitesse, laisse errer son regard à l'extérieur et voit le panneau: "San Angeles, 3 minutes"
Une fois débarqué du wagon pullman, Deckard s'engouffre dans sa voiture.
(A noter que Deckard parle en Voix-Off, tout le long du script).
Il met le contact, un écran s'allume.
Il consulte ses mails.
Sa radio grésille, c'est Gaff qui lui apprends que Holden vient d'être abattu par un Repliquant.
(A noter que Gaff ne s'exprime aucunement en une sorte d'Esperanto, comme entendu dans le film).
Arrivé au Hall of Justice, Deckard nous explique (V-O) ce que sont les Nexus 6, leurs évasion des colonies...
(Donc, ici il n'est pas question de la retraite de Deckard ni de son refus de prime abord. Il est un Blade Runner actif, qui revient simplement de vacance).
Tandis que Deckard visite l'appartement de Leon, celui-ci et Batty se retrouve dans un chop-suey.
Nous y retrouvons les dialogues entendus dans le film.
Puis Batty conseille à Leon d'admirer la vue: de l'autre côté de la rue, il y a une échoppe du nom de "Hannibal Chew: Members".
Dans la boutique de Chew, se trouve Sebastian, venu récupérer des pièces pour son client, la Tyrell Corporation.
Puis Sebastian monte dans son ambulance - où est inscrit J.F Sebastian/Animoid Express -, et s'apprête à lancer le moteur, lorsqu'il s'aperçoit qu'il y a quelqu'un d'autre dans le véhicule.
C'est Pris.
Elle se réveille, panique et sort du véhicule.
Sebastian la hèle pour lui dire qu'elle a oublié ses affaires.
Après que Pris lui ai dit qu'elle n'avait pas d'endroit à elle, Sebastian l'invite chez lui.
Pendant ce temps, Deckard -sur l'autoroute avec son véhicule- discute avec une IA du nom de Esper.
Il y est question de comment éliminer un Nexus 6 et nous d'y apprendre que chaque partie du corps endommagé, n'handicapera en aucun cas ces modèles de Repliquants.
Seule la zone occipitale permet de mettre fin à la vie d'un Nexus 6.
Tandis que Sebastian et Pris discutent (même chose que dans le film, mais sans "androïdes, mais des animoides), Deckard se trouve à présent dans son appartement et discute encore avec Esper.
Cette fois, c'est au sujet du comportement des Répliquants.
Ensuite, le Blade Runner se rend chez Tyrell Corp., y rencontre Rachael et pendant qu'ils se dirigent vers le bureau d'Eldon Tyrell, Rachael lui reproche de participer à une cabale contre Tyrell Corp.
Arrivé au bureau d'Eldon, celui-ci propose un café à Deckard et déclame les répliques qui seront aussi dans le film:
"Is this to be an empathy test..?"
mais déclamera aussi:
"Have you ever retired a human by mistake?"
(qui sera à la place prononcée par Rachael dans le film).
Le test Voight-Kampff s'effectue donc dans le bureau de Tyrell et à la fin dudit test, Rachael est présente quand Tyrell dit à Deckard qu'elle est une Répliquante.
(Alors que dans le film, elle quitte la pièce avant cette déclaration).
Tyrell offre alors au Blade Runner d'embarquer Rachael, en tant que partenaire dans sa chasse aux Nexus 6.
Deckard refuse.
Voici une scène inédite:
Deckard passe un test d'aptitudes dans le cabinet du Dr Wheeler.
Il s'agit apparemment de réalité virtuelle (pas explicité dans le script), où Deckard est au volant d'une voiture et roule à vive allure sur une route sinueuse.
Mais Deckard laisse son esprit vagabonder.
Ses images mentales interfèrent donc avec le test (l'on y voit un sous-bois enneigé puis un kayak sur un lac, par temps sombre).
Plus tard, Deckard est surpris par l'apparition de Rachael chez lui.
Elle est venue pour lui offrir son aide.
Deckard refuse à nouveau.
S'ensuit une discussion entre Rachael qui insiste:
"You use your equipment, don't you? So, I'm a piece of equipment. Use me."
...et un Deckard qui compatit aux états d'esprits de Rachael, qui se sait "fabriquée".
Blade Runner Blues byVangelis:
https://www.youtube.com/watch?v=UOxMInr1H1g&list=PLJIEpdZoj5dtFOaEyGWxPcI0263kL2sVn&index=10
Après avoir "retiré" Zorah, Deckard va prendre un verre, mais un individu lui subtilise, puis s'excuse.
Ils sympathisent (son partenaire de boisson lui faisant un show avec ses trois cafards) puis Deckard sort pour uriner.
L'instant d'après, il est plaqué au mur par son nouvel ami.
C'est Leon...
Puis la scène se poursuit comme dans le film: Rachael tue Leon, puis panse les blessures de Deckard, chez lui.
Puis ils prennent un bain ensemble.
Au matin, Deckard se réveille seul. Il appelle Rachael, mais elle n'est pas là.
Chez Sebastian, arrivent Roy Batty et Mary (la cinquième Répliquante, disparue du script final).
Leur hôte préparant le repas, Batty et Pris débattent sur la confiance à accorder à Sebastian.
Pendant ce temps, Deckard rend visite à Holden, toujours à l'hôpital (scène coupée du film visible dans les suppléments du coffret Collector DVD), puis rentre chez lui.
Rachael l'y rejoint rapidement.
Après avoir partagé un moment intime, ils ont une discussion sur les rêves (Rachael aimerait en avoir, mais en est incapable, étant donné sa condition), puis de la mort du père de Deckard.
Sebastian emmène le trio de Répliquants au manoir de Tyrell.
Celui-ci est avec son fils Ian, 10 ans.
C'est le garde du corps qui reçoit le petit comité de visiteurs, puis Tyrell et Batty ont leurs fameuses discussions.
Après que Roy ait tué Eldon puis le garde du corps, il se rend dans le living-room, où Mrs Tyrell et son fils attendent le patriarche.
C'est l'anniversaire de ce dernier.
"May I help you ?" demande une Mrs Tyrell intriguée par cette irruption.
Batty sourit en retour et secoue la tête, feignant un regret exagéré...
Deckard et Rachael échangent quelques propos, lorsque le téléphone sonne.
C'est Bryant:
"...Tyrell, his family and his staff were just massacred (...)The Nexus program is terminated. When you finish there, locate Nexus designated Rachael and retire."
S'ensuit un échange de répliques intéressantes entre Rachael et Deckard:
Rachael:
-Why do you call it "retire", why don't you call it murder?
Deckard
-Because it's not.
Rachael
-Don't you think anything that can suffer deserves to be considered?
Deckard
-Andies (Androïdes) only simulate suffering...if they programmed for it.
Rachael
-Don't you think I simulated what happened between us?
Deckard
-No, I don't"
(Note: Fort dommage que cet échange n'est pas été conservé, il mettait en valeur la complexité du statut de Rachael, en tant que Répliquante.)
Alors que Batty et ses comparses retournent chez Sebastian, celui-ci tente de repartir.
Roy lui demande de rester pour partager leurs dernières nuits ensemble.
Sebastian accepte de mauvais gré, puis il annonce qu'un homme se dirige vers l'entrée de l'immeuble.
C'est Deckard.
Batty déclare:
"-He must be good", puis balance Sebastian par la fenêtre (alors que dans le film, il est tué en même temps que Tyrell).
Deckard pénètre dans le sous-sol, où se trouve une salle de gym plongée dans le noir.
Il y est attaqué par Pris.
Deckard n'ayant pas le dessus, il réussit à tirer sur Pris.
Le bras de celle-ci s'arrache, mais cela ne la gêne pas plus que cela (remember les paroles d'Esper).
Le second tir laser touche Pris à la base du crâne.
Elle s'effondre.
Morte.
Deckard grimpe jusqu'au 9ème étage, pénètre chez Sebastian et trouve Mary, cachée dans un placard.
Celle-ci est terrifiée.
Deckard l'abat de sang-froid.
Il entend alors des pas au-dessus de lui.
Le Blade Runner monte au dernier étage et commence le jeu du chat et de la souris avec Roy.
Celui-ci se déplace en traversant littéralement les murs, puis dit à Deckard qu'il va se mettre à son niveau.
Au niveau humain.
Après quelques empoignades à l'avantage de Batty, Deckard parvient à lui tirer dans l’œil.
"-One point for you.", lui dira celui-ci.
Deckard tire à nouveau.
Dans l'épaule, cette fois.
Batty n'en a cure et continue son manège.
Après quelques péripéties, Deckard parvient à tirer -au cours d'un corps à corps- dans la nuque de Batty, qui s'effondre pour de bon...
...mais sa main reste accroché à la cheville du Blade Runner.
Celui-ci ne parvient pas à décrocher la "serre" de Batty.
Alors, Deckard se rend sur le toit et réussit enfin à se libérer de cette prise, après avoir mis le corps de Roy dans le vide et frappé du pied à maintes reprises, sur la main du Nexus 6.
Puis Deckard rejoint Rachael et l'emmène à l'extérieur de la ville.
Ils s'arrêtent aux abords d'une forêt et s'enfoncent à pied, dans le sous-bois enneigé.
Quelques instants plus tard, Deckard revient à a voiture.
Seul.
Deckard, (Voix-Off):
"-I told myself over and over again, if I hadn't done it, they would have (...)
She said the great advantage of being alive was to have choice.
And she choose.
And a part of me was almost glad.
Not because she was gone but because this way, they could never touch her (...)
She'd stay with me a long time.
I guess we made each other real..."
(-Je me suis dit encore et encore, que si je ne l'avais pas fait, ils s'en seraient chargés(...)
Elle a dit que le gros avantage d'être vivant, c'était d'avoir le choix.
Et elle a choisi.
Et une part de moi était presque ravie.
Pas parce qu'elle était morte, mais parce que de cette manière, ils ne pourraient jamais la toucher.(...)
Elle est restée avec moi un bon moment.
Je suppose que ça nous a rendu réels, l'un et l'autre...)
La critique:
Bien que l'intrigue principale soit la même, force est de reconnaitre que la révision du script par David Webb People, a apporté une plus-value considérable.
En effet, le personnage de Deckard -passé de professionnel consciencieux à traqueur réticent- gagne en humanité, bien que désabusée...
Rachael y gagne aussi beaucoup en épaisseur dramatique, car ce sera l'un des pivots de la version filmée.
Quant aux Répliquants (dont l'inutile Mary a été supprimée de l'équation), ils y gagnent en désespoir et en imagerie iconique.
Évidemment, c'est Batty qui en profitera le plus, via l'interprétation grandiose qu'en fit le magnétique Rutger Hauer.
A ce titre, la scène finale avec Deckard (l'affrontement puis la rédemption) est juste magnifique.
Dans le script original décrit ci-dessus, Batty finissait peu dignement, juste comme un vulgaire bad guy plus ou moins classique...
En fait, la seule scène de cette première version qui aurait pu rester dans le script filmé, c'est évidemment la scène de fin.
Celle-ci est chargée émotionnellement (Deckard "retire" Rachael, car celle-ci a décidé que c'était le mieux pour elle...) et achève de faire du couple Deckard/Rachael, une figure tragique de toute beauté.
"All those moments will be lost in time... like tears in rain... "
Rutger, Je zult altijd voor altijd in mijn gedachten zijn...
End Titles byVangelis:
https://www.youtube.com/watch?v=A03x9uw25kI