Survol du Los Angeles de 2019 : la ville a grandi démesurément sur elle-même dans une jungle inextricable de gigantesques pyramides modernes et de buildings décrépits du siècle passé, où d'immenses torchères trouent le brouillard gris enveloppant. Rien à voir avec les rutilantes cités high-tech et aseptisées imaginées par certains écrivains de SF des années 50. Dès les premiers plans qui sont d'une réussite exemplaire, l'atmosphère est créée ; emportés par les Fx de Douglas Trumbull, on pénètre dans ce décor aux rues grouillantes, sous une pluie sale et persistante, où toutes les races de la Terre semblent coexister, c'est un vrai monde interlope sur lequel planent les spacio-cars imaginés par Syd Mead, le concepteur visuel qui a donné une véritable identité au film et en particulier à ce monde urbain rempli de murs vidéo géants, qui nous semble étonnamment familier et étranger à la fois, un peu comme si notre futur nous avait rattrapé.
Le film est sorti en 1982, et aujourd'hui en 2017, on y est dans ce futur, le regard est donc différent de celui que j'ai eu à l'époque, il ne m'avait pas totalement séduit, je pensai que c'était visuellement très élaboré, mais que le fond était un peu léger et un peu confus, comme une coquille vide. Revu après tant d'années, mon impression n'a guère variée, si ce n'est que je l'ai un peu plus apprécié. Considéré comme un chef-d'oeuvre, ce film ne fait donc pas partie de mes préférences en matière de SF, c'est un univers que je n'aime pas trop, et par dessus tout, quelques longueurs et la trop grande lenteur un peu contemplative de l'ensemble nuisent à sa qualité.
Sinon, ce thriller futuriste reprend la structure du film noir des années 40, avec un héros désabusé à la Philip Marlowe, perdu dans un Los Angeles visionnaire, poisseux, pluvieux et sale, où les néons tape à l'oeil côtoient les détritus, et où s'active une population cosmopolite. Ce rendu est intéressant, ça donne un visuel époustouflant et riche qui d'ailleurs influencera d'autres réalisateurs et sera souvent imité, c'est l'aspect du film qui m'a le plus impressionné, c'est un atout indéniable.
J'ai appris, car je ne l'ai pas lu, que le film était assez éloigné du roman de Philip K. Dick dont il s'inspire, ce qui a d'ailleurs gêné les fans du romancier, mais je crois que le film a le mérite d'être une oeuvre à part entière et est devenu par ses qualités propres, un film de référence en matière de SF. Ridley Scott a voulu et pensé ce film avec des conceptions très personnelles et méticuleuses, avec un futur crédible et réaliste. La science-fiction devenait donc un véritable décor et se faisait intelligente, Ridley créant un monde fascinant et terrifiant, cher à la tradition du film noir hollywoodien d'autrefois, soutenu par la musique de Vangelis, tout en utilisant Harrison Ford un peu à contre-emploi de ses rôles de héros propres, c'est peut-être une des raisons de leur mésentente chronique sur le tournage. De même que Rutger Hauer s'imposait internationalement dans son rôle de réplicant instable, bouleversant d'humanité et mélancolique, dont le dialogue final est culte sur de belles images.
Blade Runner est comme une plongée en apnée dans la noirceur d'un monde futuriste qui n'est pas idyllique, on peut y voir aussi une réflexion sur la violence, la conscience humaine et la mécanisation à outrance, c'est un bon film, je n'y suis pas sensible mais je ne m'y suis pas ennuyé, et je comprend qu'il puisse fasciner certains de mes éclaireurs.