Les androïdes rêvent-ils de petits chevaux de bois ?

Aux trois quarts du film, le vieux Deckard, le visage hagard, dit tout essoufflé au jeune agent K. : "T'aurais dû me laisser crever là-bas !" Il parle bien sûr du piège mortel qui se refermait sur lui avant que l'autre ne le sauve, mais on a presque l'impression qu'Harrison Ford s'adresse en fait à Denis Villeneuve, regrettant qu'il ne l'ait pas laissé tranquille, "là-bas", dans la matrice du premier épisode, en 1982.


Car on peut le dire, ce Blade Runner 2049 relève d'une prise de tête existentielle qui a de quoi fatiguer les vieux (dont je suis) et pas seulement notre brave Harrison Ford qui, non content de reprendre du service à bord de son Faucon Millenium dans Star Wars 7 ou de chasser les aliens à coups de fouet en tant qu'Indiana, se retrouve ici dérangé dans sa retraite par un petit couillon en mode "Je suis ton fils ?"
La force du personnage de Deckard dans le premier Blade Runner tenait en grande partie au fait que ce personnage restait mystérieux et ambivalent. Le scénario ne s'intéressait que peu à lui - son histoire, ses origines - de sorte qu'on avait tout le loisir d'apprécier son travail de flic/blade runner sans que cela ne nous empêche de nous poser des questions, au fil du récit, sur son identité (et sa moralité). Quant au personnage le plus intéressant, c'était un réplicant, Roy Batty, joué par l'inégalable Rutger Hauer.
Dans le film de Villeneuve, c'est l'inverse. Le Blade runner - Ryan Gosling donc - est tout au long du film au centre des interrogations : est-il un humain ou un androïde ? Ses rêves sont-ils réels ou pas ? Est-il le fils de... ? Il est donc à la fois sujet et objet du film. Et sur une durée de 2h43, ce choix scénaristique finit par lasser. Et surtout finit par affaiblir le personnage de K. lui même. En 1982, on voyait beaucoup Deckard en action et on était libre d'interpréter sa nature profonde - bon/méchant, humain/réplicant ? - , pour K. c'est exactement le contraire : on le voit peu en action - sur 163 minutes - mais par contre Villeneuve surligne et oriente notre interprétation quant à ce personnage. Et même si c'est pour mieux nous induire en erreur, on a quand même l'impression non seulement qu'on est enfermé dans le désir prométhéen du réalisateur - qui voit son double dans le personnage de Wallace - mais surtout que toute cette histoire est un peu juste scénaristiquement parlant.
Heureusement, le film est sauvé par un travail visuel vraiment remarquable - une partition chromatique en bleu et jaune éblouissante - et par toutes sortes de trouvailles bien vues sur le thème des intelligences artificielles. Ceux qui ont été enchantés par la Los Angeles nocturne et bordélique de 2019 auront des chances de ne pas être déçus par celle de 2049.
Ne serait-ce que pour la réalisation, le film mérite d'être vu.
Pour le reste, revenons à nos moutons...électriques !


Personnages/interprétation : 6/10
Histoire/scénario : 5/10
Réalisation/mise en scène : 9/10


7/10

Theloma
7
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le 6 oct. 2017

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Theloma

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