Blade Ruinneur
Denis Villeneuve est un metteur en scène qu'on apprécie. Sicario, Enemy, Premier Contact... la plupart de ses œuvres sont puissantes, et on sait le bonhomme capable de mettre une beauté plastique...
le 4 oct. 2017
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Il y a quelque chose de pourri au royaume de la SF.
Il fut un temps, et il n'est pas si loin, ou l'héritage littéraire de ce noble genre amenait des films à la reflexion profonde, aux thèmes et aux enjeux poussant loin le spectateur dans les strates de sa propre matière grise. Blade Runner est de ceux-là. Et il y a trente ans, on en avait de beaux : Les Maitres du Temps, puis RoboCop et Total Recall, Ghost in the Shell aussi.
Et puis une noire tendance est venue tout foutre en l'air. L'idée selon laquelle le spectaculaire devait impérativement se substituer au spectacle. En fait, il n'était même plus la peine de se relire, on pouvait juste mettre des effets spéciaux dernier cri pour palier à l'absence d'écriture. Matrix, Minority Report... Autant de saloperies qui ont à jamais convaincu Hollywood que la dramaturgie était un artifice du passé et qu'on pouvait sans sourciller s'en passer.
D'ailleurs ça nous a donné les remake/boots odieux de Total Recall et Ghost in the Shell, récemment. Alors pourquoi n'irions-nous pas saloper Blade Runner ?
Avec Arrival, Denis Villeneuve m'a montré qu'il n'en avait rien à foutre de la SF, que seule comptait sa petite branlette et que point n'était bon de se relire, ni de remettre en question les erreurs manifestes de sa propre narration. Tant qu'il a un sujet, il n'a pas besoin de traitement.
Aussi l'annonce de sa présence aux commandes de Blade Runner 2049 m'a glacé les sangs.
Mais j'y vais quand même. Je suis un aventurier, je sais que de toutes façons tout le monde va me demander ce que j'en ai pensé, donc à vrai dire je n'ai pas le droit de passer à côté.
S'il y a un bon point que je concède à l'ami Denis, c'est qu'il n'a pas cédé aux sirènes Hollywoodiennes des explosions partout et de l'action pétaradante à la noix. Ce qui serait une excellente chose si en fait il avait une histoire solide avec de grandes questions et... du sens.
Il est question d'un monde qui se passe trente ans après les événements de Blade Runner mais au vu de la technologie et de la société ça pourrait être le week end suivant. Tout ce qu'on apprend c'est qu'il y a eu un black-out qui a effacé les disques durs du monde entier, sauf de Las Vegas qui se souvient encore d'Elvis et Marilyn. Rappelons d'ailleurs qu'un disque externe n'est pas un truc qu'on peut suffoquer à mort en le privant d'électricité pendant dix jours...
Dans ce monde, Jared Leto voudrait coloniser plus vite les mondes avoisinants, mais pour ça il faudrait des réplicants qui se reproduisent mais il arrive pas à en faire, alors il les éventre. "J'ai dépensé sans compter !"
S'en suit une intrigue avec des faux-semblants prévisibles dans les moindres détails - comme l'identité de la fille de Rachel - et de longues scènes explicatives qui annoncent des événements qui n'arriveront jamais, comme cette scène hilarante ou trente figurants sortent de l'ombre derrière Hiam Abbas la borgne pour faire "la révolution". Vu la taille de la ville et qu'ils sont trente, bonne chance à eux !
En définitive, Blade Runner 2049 est aussi con et avilissant que n'importe quel blockbuster moderne, mais il n'a même pas le mérite d'être divertissant. Pire : il répond à certaines questions de son prédécesseur avec une grâce de collégien. L'amour est-il tangible ? Peut on le programmer ? Blade Runner laissait le spectateur s'interroger en montrant des êtres programmés (ou non) faire preuve d'amour et d'empathie. 2049 dit : "Bah oui c'est possible, d'ailleurs t'as vu, K il est carrément amoureux de son hologramme de compagnie alors c'est possible, hein."
Tout est dit, rabâché, ânonné face caméra pendant de nombreuses minutes qu'on ne récupérera jamais... Un sordide ennui s'empare de moi et m'assommera jusqu'au bout. 2H40 d'un blabla inconséquent et vide de toute substance, une sorte de placébo assourdissant. Assourdissant car Hans Zimmer est de la partie et a préféré faire un ersatz de tout ce qu'il pond ces 10 dernières années plutôt que de docilement singer Vangelis et ses atmospheres envoutantes.
Restent quelques scènes, qui, en dehors de toute considération narrative, savent se montrer belles et captivantes, la palme revenant sans conteste au remake de Her quand l'hologramme de K lui offre une pute pour danser... Dans un bon film, ça aurait été vachement bien !
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films qui seraient bien meilleurs s'ils avaient été réalisés par Dolph Lundgren et 2017 - FLOP 10
Créée
le 11 oct. 2017
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