Jusqu'ici, la saga Blade avait bénéficié, mine de rien, d'une sacrée liberté au sein du studio New Line.


Un studio qui n'attendait sans doute pas le succès de l'adaptation d'un super héros alors inconnu du grand public, par un réalisateur, Stephen Norrington, tout aussi inconnu issu de la création des effets spéciaux.


Un studio qui n'avait pas anticipé le succès encore plus grand de sa suite, qui avait muté, sous l'emprise de Guillermo Del Toro, vers le film de monstres radical, tragique et passionné, tout occupé qu'il était alors par la gestion des gourmandes suites du Seigneur des Anneaux.


La saga a donc clairement évolué sous les radars de ses financiers, avec un homme à sa tête : David S. Goyer, son scénariste. Qui avait clairement envisagé, dès le départ, une trilogie qui tendrait vers le crépusculaire, objectif annoncé en évoquant plus d'une fois l'apocalypse vampire dans les deux premiers films.


Et cela tombe bien, car Goyer n'a pour ambition, rien de moins, que de transposer de manière officieuse le roman Je Suis une Légende dans l'univers du diurnambule pour finir en beauté son aventure avec le personnage.


Sauf que devant Blade : Trinity, il est clair que New Line a sifflé la fin de la récréation, histoire d'essayer de s'assurer des revenus après la fin de la trilogie de l'anneau. Goyer scénariste a en effet fait une sacrée volte face, en décidant, sans doute sous la pression du studio au statut de nouveau riche, d'installer Blade dans un univers réaliste...


Exit donc les promesses démentielles de post apo aux dents longues, pour se rendre compte que Blade : Trinity, s'il a beau être vaguement divertissant, semble s'acharner à aligner certains moments peu glorieux et des fautes de goût parfois incompréhensibles venant de son maître de cérémonie, se révélant meilleur scénariste que metteur en scène... Qui a en plus déjà la tête ailleurs, du côté de Gotham City...


L'ajout du personnage d'Abigail Whistler, ou encore les premières minutes du film, basées sur une course poursuite automobile ajoutant un peu de sang neuf à la franchise, font encore illusion, avant que le spectateur ne déchante assez rapidement, effaré, par exemple, quand Goyer lui montre la trique de Wesley Snipes en gros plan quand celui-ci daigne enfin finir de jouer à la Belle au Bois Dormant dans le commissariat... Ou devant cette psychologie de comptoir embarrassante concernant le vampirisme, dans la même scène...


Mais après tout, ce ne sont pas ce genre de plans malencontreux, un Blade désacralisé, le changement de ton en mode actionner inoffensif, ou encore une mise en scène à peine fonctionnelle qui font peine à voir, à la réflexion. Car ce sont plutôt les erreurs de casting monumentales, ou encore certains trouble-fêtes convoqués, qui donnent parfois envie de se taper la tête contre les murs de dépit.


Parker Posey tout d'abord, en totale roue libre dans le genre caricature.


Puis Triple H (non, pas Hou Hsiao Hsien), molosse inepte inexpressif qui passe son temps, à l'écran, à se prendre des volées ou à tripoter de manière suspecte son loulou de Poméranie vampire.


Puis enfin Ryan Reynolds, vecteur d'un humour crétin qui se satisfait à disserter sur les effets indésirables du pet à l'ail.


Mais le plus grave, c'est de piétiner le pauvre Dracula et, tout d'abord, de le renommer Drake, parce que ça fait plus djeun's (et aussi plus américain, ce qui n'est pas négligeable non plus). Le plus inepte, c'est de ne rien trouver de mieux que de le faire ruminer sur la mercantilisation de son image et boulotter mollement deux pauvres commerçants, avant de lui faire kidnapper un bébé. Le plus honteux, c'est de le faire incarner par le premier non acteur sans cou de l'histoire du cinéma. Par un gros bourrin élevé au yaourt, au regard bovin, tout en mono expression amorphe, tout en chemise ouverte et chaine en inox.


Blade : Trinity devient donc une oeuvre redoutable, mais pour de très mauvaises raisons : symptôme de l'intervention du studio, de la mésentente entre le réalisateur et sa star, de choix artistiques parfois douteux, même s'il surnage quelques scènes pas trop mal emballées. Blade :Trinity, à force de compromis et de renoncement, devient tout et son contraire en signant une fin de série que l'on attendait bien plus percutante, saignante et inspirée.


Et tandis que Goyer s'envole déjà à tire d'aile vers les horizons promis par le Caped Crusader, soit son rêve ultime d'adaptation comics, le spectateur ne peut que verser une petite larme sur la fin de son suceur de sang.


Behind_the_Mask, qui court les sites de ventes chelou pour trouver où acheter un vibromasseur Dracula.

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le 18 mars 2020

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