Franchir la Ligne Blanche

Après un premier spectacle absolument formidable de noirceur et de drôlerie , Blanche Gardin passe avec "délicatesse" et réussite le cap du second One woman show avec Bonne nuit Blanche. Certes l'effet de découverte et de surprise n'est plus tout à fait le même mais une nouvelle fois la comédienne et humoriste fait mouche avec férocité en exorcisant sur scène ses démons de quadragénaire célibataire dépressive et sans doute un poil amère car froidement lucide sur le monde qui nous entoure.

Blanche Gardin est à la fois une personne et un personnage qui manie l'humour comme un scalpel pour disséquer le corps encore fumant d'une société bien anxiogène dans laquelle tout doit être toujours tout blanc ou tout noir. Blanche Gardin prend un malin plaisir à exploiter les zones d'ombres, les recoins cachés pour pointer d'un uppercut l'hypocrisie d'une société qui ne connaît pas beaucoup plus la nuance que le dérision. En plus d'être toujours aussi drôle et âprement rugueux l'humour de Blanche Gardin raisonne de mille vérités qui dessine en filigrane les drôles de contours de notre monde. La manière dont Twiter s'abreuve de ressentiments bien plus que de réflexions, cette obsession de toujours devoir proposer un avis, les limites de la simple participation citoyenne, les dérives d'un mouvement comme Balance ton Porc, l'angélisme aveugle qui désigne fatalement les handicapés comme des gens gentils et sympathiques, l'hyper-sexualisation des rapports hommes femmes basé sur une imagerie pornographique, notre rapport à la mort ... Blanche Gardin ne sais pas que nous faire rire elle va gratter, titiller et réveiller notre intellect assoupi avec des questions qui parfois peuvent mettre mal à l'aise mais qui sont vraiment salvatrice à poser.
Au départ je ne voulais pas écrire de critique sur ce spectacle mais lorsque j'ai vu à travers d'autres critique que l'humoriste était traitée d'antiféminisme et comparée à Bigard ou Zemmour: je me suis demandé comment on pouvait à ce point passé à côté d'un propos qui me semble pourtant tellement limpide dans la noblesse de ses intentions. Bigard pourquoi pas pour la crudité des propos mais ce n'est pas parce que Courbet et Marc Dorcel ont montrés des sexes féminins qu'ils font tout à fait le même travail. On peut également être féministe tout en restant nuancé ni castratrice et surtout en montrant les travers, les contradictions, les faiblesses et l'hypocrisie des hommes ET des femmes. Quant à la comparaison avec Zemmour ça doit être le nouveau point Godwyn de la critique artistique (??) en tout cas je préfère l'humour et la fragile stature de Blanche Gardin.

Alors bravo Blanche et surtout Bonne nuit Blanche, fais de magnifiques cauchemar pour nourrir tes névroses de ce monde tordu et revenir nous les asséner sur scène comme autant de coup de rasoirs. C'est un tel bonheur d'être bousculé par cet humour qui frappe comme un coup de marteau, d'avoir cet invitation constante à réfléchir au delà d'une réflexion binaire de tout bien et de tout mal et surtout de voir une très très grande humoriste s'exprimer si librement.