Au fil des films le style de Charles Burnett (ici au scénario et à la photo d'un film de Billy Woodberry) se précise. Un cinéma que je trouve très intéressant dans ce qu'il raconte de la communauté afro-américaine par une voix afro-américaine, et intéressant également dans le virage que ce cinéma de la fin des 70s / début des 80s a imposé à la blaxploitation pour explorer des horizons assez différents. J'ai en revanche toujours le même problème avec ce courant cinématographique dont j'ai appris le nom, "L.A Rebellion", c'est son côté très auteurisant, qui l'enferme dans une description sociologique très austère car détachée de toute contingence scénaristique traditionnelle. Il n'y a pas vraiment d'histoire ici, c'est simplement une tranche extraite du quotidien d'une famille noire, centrée sur le personnage du père, avec sa relation et ses difficultés avec ses enfants et sa femme.
Un film très discret, souvent maladroit à mes yeux dans sa narration — son principal problème qui nuit à l'immersion dans cet univers. Mais on peut aussi apprécier, pour de toutes autres raisons, le regard posé sur la classe sociale : plus qu'un film sur la vie de personnes noires, c'est un film sur les conditions de la classe ouvrière avec une valeur universelle. Il se détache de "Bless Their Little Hearts" une sensibilité assez distincte, l'œil de Billy Woodberry transparaît d'une certaine façon dans l'observation de la famille, de l'adultère, des galères du quotidien pour un prolétaire au chômage à la recherche d'un job stable. En ce sens on est très près de "Killer of Sheep", dans une sorte de veine néoréaliste à la Rossellini des années 40. Le portrait du père est l'objectif principal, c'est évident, et il me manque quand même pas mal de choses pour en faire quelque chose d'attachant.
Mais bon, adhésion timide, appréciation tempérée. J'attends toujours, avec une attente qui grandit d'année en année, de retomber sur des pépites comme "Nothing But a Man" de Michael Roemer.